Kauffman c. Toronto Transit Commission (1959), O.R. 197 (C.A.)

  • Dossier :
  • Date : 2024

Kauffman c. Toronto Transit Commission (1959), 18 D.L.R. (2d) 204 (C.A. de l’Ont.)

 

[Traduction du CTTJ du 20 novembre 1991 — © CICLEF, École de droit, Université de Moncton]

Le juge Morden au nom de la Cour.– [Traduction] La défenderesse interjette appel de la décision du juge McLennan, rendue le 3 juin 1958, suivant les conclusions du jury, accordant à la demanderesse des dommages-intérêts de 25 000 $ pour les blessures qu’elle a subies à la suite d’une chute dans un escalier mécanique se trouvant dans la station de métro de l’avenue St. Clair exploitée par la défenderesse. L’avocat de la défenderesse a plaidé en appel que les conclusions du jury étaient contraires à la preuve, allaient à l’encontre des directives du juge et ne faisaient état d’aucun motif de négligence coupable imputable à la défenderesse.

En fin de soirée le 11 février 1955, la demanderesse et une amie, une certaine Mme Mathewson, ayant pris le métro en direction nord, ont descendu à la station de l’avenue St. Clair. Elles se sont rendues à l’un des escaliers mécaniques, d’une longueur de 30 pieds [9 m] et comptant 22 marches, chaque marche ayant 23 pouces et trois huitièmes [59 cm] de largeur. L’escalier se déplace à une vitesse de 90 pieds [27 m] la minute. La demanderesse a monté sur l’escalier, suivie de Mme Mathewson. Devant la demanderesse se trouvait un homme et devant lui deux adolescents. Les adolescents ont commencé à se bagarrer et sont tombés vers l’arrière contre l’homme, qui à son tour a perdu l’équilibre et est tombé contre la demanderesse. Celle-ci est tombée sur les marches de l’escalier, ces deux ou trois personnes par-dessus elle. À la suite de sa chute et du mouvement ascendant continu de l’escalier, la demanderesse a subi des blessures très graves et permanentes.

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Le jury a conclu à la négligence de la défenderesse sur les points suivants :

1. La défenderesse, en faisant l’acquisition d’un escalier mécanique muni d’une main courante de conception tout à fait nouvelle, n’a pas suffisamment mis à l’épreuve, ou fait mettre à l’épreuve par un expert compétent, le coefficient de friction et la configuration de la main courante appelée Peelle Motor Stair Handrail.

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L’avocat de la demanderesse a soutenu, en ses propres mots, que « pendant le fonctionnement d’un escalier mécanique, et notamment dans un système de transport en commun, où il peut y avoir foule, si une personne qui se trouve près du haut bascule vers l’arrière (pour quelque raison que ce soit) contre la personne qui se trouve derrière elle, chaque personne tombera contre l’autre et la fera tomber, comme une rangée de dominos ». Cependant, il n’y a absolument aucune preuve que l’homme qui se trouvait immédiatement devant la demanderesse ou les deux adolescents irresponsables et insouciants se trouvant devant lui tenaient, ou tentaient de tenir, la main courante avant la bagarre ou pendant celle-ci et la chute qui a suivi. Il n’y a aucune preuve non plus que dans les circonstances la demanderesse ne serait pas tombée si elle avait tenu une main courante ovale en caoutchouc. À mon avis, aucune preuve ne permettait de conclure que le type de main courante utilisé à la station de l’avenue St. Clair a concouru au grave et malheureux accident subi par la demanderesse. Le lien de causalité entre la négligence reprochée et le préjudice doit être supporté par la preuve et ne peut être laissé aux conjectures du jury; c’est là un principe fondamental : Davis c. London & Brighton R. Co. (1861), 2 F. & F. 588, 175 E.R. 1199 etSimpson c. Local Bd. of Health of Belleville (1917), 39 D.L.R. 442 à la page 449, 40 O.L.R. 406 à la page 414. La preuve ne saurait fonder la condamnation de la défenderesse sur ce premier chef de négligence.

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L’appel est accueilli et l’action rejetée, les deux avec dépens si ceux-ci sont réclamés.

[L’arrêt fut confirmé par la Cour suprême du Canada : (1960), 22 D.L.R. (2d) 97.]