Ajax c. National Automobile, Aerospace & Agricultural Implement Workers Union of Canada (CAW-Canada), Local 222 (1998), 41 O.R. (3d) 426 (C.A.)

  • Dossier : C22706
  • Date : 2024

 COUR D’APPEL DE L’ONTARIO

 

LES JUGES AUSTIN, LASKIN et GOUDGE

AFFAIRE INTÉRESSANT LA Loi sur la procédure de révision judiciaire,L.R.O. 1990, chap. J.1 ET LA Loi sur les relations de travail,L.R.O. 1990, chap. L.2, et modifications ET la décision de la Commission desrelations de travail de l’Ontario datée du 27 octobre 1994

 

ENTRE :

CORPORATION MUNICIPALE DE LA VILLED’AJAXRequérante(Intimée)

et

SYNDICAT NATIONAL DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DE L’AUTOMOBILE, DE L’AÉROSPATIALE ET DE L’OUTILLAGE AGRICOLE DU CANADA (TCA-CANADA) ET SA SECTION LOCALE 222, CHARTERWAYS TRANSPORTATION LIMITED

Intimé(Appelant)

et

COMMISSION DES RELATIONS DE TRAVAIL DE L’ONTARIO

Intimée(Intimée)Barrie ChercoverProcureur de l’appelant

 

 

Richard J. Charney etDamhnait MonaghanProcureurs de l’intimée, Corporation municipale de la ville d’Ajax

 

Ronald N. LebiProcureur de l’appelantCommission des relations de travail de l’Ontario

 

Audience tenue le 22 mai 1998

LE JUGE GOUDGE :

[1] Depuis de nombreuses années, la ville d’Ajax a conclu des contrats avec Charterways

Transportation Limited afin qu’elle lui fournisse des conducteurs qualifiés et un nombre restreint de mécaniciens et de nettoyeurs nécessaires à l’exploitation du système de transport en commun urbain. Ces personnes étaient des employées de Charterways et étaient représentées lors des conventions collectives avec l’employeur par TCA-Canada, le syndicat appelant.

[2] Depuis le 1er janvier 1993, la municipalité a décidé de reprendre l’exploitation de son

transport en commun. Elle a résilié son contrat avec Charterways et a procédé au recrutement des conducteurs, des mécaniciens et des nettoyeurs dont la grande majorité ressortent du même groupe d’employés de Charterways chargés précédemment de l’exploitation du système de transport en commun pour le compte de la municipalité.

[3] Soucieux de protéger ses droits de négociation, le syndicat a sollicité un jugement déclaratoire en alléguant que les faits en cause constituaient la vente d’une entreprise commerciale au sens de l’art. 64, concernant les droits du successeur, de la Loi sur les relations de travail, L.R.O. 1990, chap. L.2 et modifications. Cette décision fut rendue par la Commission des relations de travail de l’Ontario. Mais, suite à une demande de contrôle judiciaire initiée par la municipalité, la Cour divisionnaire a annulé cette décision jugée manifestement déraisonnable.

[4] Pour les motifs qui suivent, j’exprime mon désaccord. À mon avis, la décision de la Commission ne peut pas être jugée manifestement déraisonnable. Je suis d’avis d’accueillir l’appel et de rejeter la demande de contrôle judiciaire.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[5] Comme toute législation provinciale en matière de relations de travail, la Loi sur les relations de travail de l’Ontario contient une disposition sur les droits et les obligations du successeur dont le but est d’empêcher que les employés ne perdent leur protection syndicale lorsqu’une entreprise ou une partie de celle-ci est vendue ou transférée d’un employeur à un autre.(1)

[6] La disposition visée est l’art. 64 dont les éléments pertinents, eu égard aux besoins du présent appel, sont les suivants :

64(1) Dans cet article,

« entreprise » s’entend en outre d’une ou de plusieurs parties de l’entreprise ;

« employeur remplacé  » désigne l’employeur qui vend son entreprise ;

« vend » s’entend location, transfert et toute autre mode d’aliénation ;

« nouvel employeur  » signifie l’employeur à qui l’employeur remplacé vend son entreprise.

64(1.1) Le présent article s’applique aux cas où un employeur remplacé vend une entreprise à un nouvel employeur.

64(2) Si l’employeur qui est lié par une convention collective vend son entreprise, la personne à qui l’entreprise a été vendue est, jusqu’à déclaration contraire de la Commission, également liée par la convention collective comme s’il en était partie.

[7] En l’espèce, la Commission avait à déterminer si, sur la base des faits établis, il y avait effectivement « vente » d’une « entreprise » conformément à cet article.

NORME DE CONTRÔLE JUDICIAIRE

[8] Les parties à l’instance s’accordent à reconnaître que la Cour devrait, en matière de contrôle d’une décision de la Commission, appliquer la norme du caractère manifestement déraisonnable.

[9] Selon moi, telle doit être la norme appropriée de contrôle judiciaire dans la mesure où la loi prévoit deux clauses privatives afférentes à toutes les décisions de la Commission, en l’occurrence les art. 108(1) et 110 :

108(1) La Commission a compétence exclusive pour exercer les pouvoirs que lui confère la présente loi ou qui lui sont conférés en vertu de celle-ci et trancher toutes les questions de fait ou de droit soulevées à l’occasion d’une affaire qui lui est soumise. Ses décisions ont force de chose jugée. Toutefois, la Commission peut à l’occasion, si elle estime que la mesure est opportune, réviser, modifier ou annuler ses propres décisions, ordonnances, directives ou déclarations.

110 Sont irrecevables devant un tribunal les demandes en contestation ou en révision des décisions, ordonnances, directives ou déclarations de la Commission ou les instances visant la contestation, la révision, la limitation ou l’interdiction de ses activités, par voie notamment d’injonctions, de jugement déclaratoire, de brefs de certiorari, mandamus, prohibition ou quo warranto.

[10] En outre, le législateur a jugé opportun de prévoir une clause privative qui s’applique précisément à ce genre de décision rendue en l’espèce par la Commission et énoncée dans l’art. 64(12) :

64(12) Si, à l’égard d’une requête présentée en vertu du présent article ou d’une instance introduite devant la Commission, il est question de déterminer si une entreprise a été vendue par un employeur à un autre employeur, la Commission en décide. Sa décision a force de chose jugée pour l’application de la présente loi.

[11] Par l’interprétation et l’application de l’art. 64, la Commission ne fait que remplir des tâches qui entrent bien évidemment dans le cadre de ses compétences; c’est-à-dire déterminer si les obligations conclues par un employeur en vertu d’une convention collective passent à un autre employeur. Les cours de révision devraient donc faire preuve de retenue à l’égard des décisions rendues par la Commission dans les limites de sa compétence.

[12] Ainsi, une cour de révision ne doit se demander que si la décision de la Commission est manifestement déraisonnable. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941 aux pp. 963-964, le juge Cory a établi le critère suivant :

Le sens de l’expression « manifestement déraisonnable », fait-on valoir, est difficile à cerner. Ce qui est manifestement déraisonnable pour un juge peut paraître éminemment raisonnable pour un autre. Pourtant, pour définir un critère nous ne disposons que de mots, qui forment, eux, les éléments de base de tous les motifs. Le critère du caractère manifestement déraisonnable représente, de toute évidence, une norme de contrôle sévère. Dans le Grand Larousse de la langue française, l’adjectif manifeste est ainsi défini : « Se dit d’une chose que l’on ne peut contester, qui est tout à fait évidente ». On y trouve pour le terme déraisonnable la définition suivante : « Qui n’est pas conforme à la raison ; qui est contraire au bon sens ». Eu égard donc à ses définitions des mots « manifeste » et « déraisonnable », il appert que si la décision qu’a rendue la Commission, agissant dans le cadre de sa compétence, n’est pas clairement irrationnelle, c’est-à-dire, de toute évidence non conforme à la raison, on ne saurait prétendre qu’il y eu perte de compétence. Visiblement, il s’agit là d’un critère très strict.

[13] Si l’approche adoptée par la Commission est raisonnable, c’est-à-dire rationnellement justifiable, et que la décision attribue à l’article de la Loi une signification justifiée, alors la décision visée ne sera pas modifiée par contrôle judiciaire.

LA DÉCISION DE LA COMMISSION

[14] J’aborde maintenant les principales conclusions auxquelles est arrivée la Commission dans sa décision qui sera assujettie à la présente norme de contrôle.

[15] La Commission a conclu que, de 1977 jusqu’à la fin de 1992, Charterways avait eu le contrat de fournir à la ville le personnel qualifié nécessaire à l’exploitation de son système de transport en commun. À cette fin, Charterways a recruté, embauché, formé, affecté et déployé une équipe de conducteurs et un nombre restreint de mécaniciens et nettoyeurs nécessaires. Le syndicat appelant était investi du droit de négociation collective pour ce groupe d’employés de Charterways.

[16] Le contrat entre Chaterways et la ville soulignait clairement l’importance de la continuité et de la stabilité de ces effectifs, ce qui, entre autres, permettait aux conducteurs de se familiariser avec les usagers. Selon les termes du contrat, Charterways s’engageait à « affecter régulièrement les conducteurs aux mêmes itinéraires afin qu’ils puissent se familiariser avec le parcours, veiller à la continuité du service et se faire reconnaître aisément par les usagers ».

[17] À la résiliation du contrat par la ville d’Ajax le 31 décembre 1992, Charterways n’avait pas d’autre emploi comparable à proposer à ce groupe d’employés qui avait exploité le transport en commun pour la ville d’Ajax. Or, en reprenant cette opération, la ville a directement embauché vingt-trois des trente conducteurs, précédemment employés de Charterways ainsi que trois des quatre personnes chargées de l’entretien afin de s’assurer d’un niveau de stabilité suffisant dans les effectifs.

[18] Vu les circonstances, la Commission a conclu que :

[TRADUCTION]

L’entreprise [de Charterways] se maintenait notamment par le recours à un personnel reconnaissable et qualifié pour exploiter le système de transport en commun de la ville d’Ajax que la société avait au fil des ans recruté, formé et coordonné. Plus particulièrement, compte tenu du fait que le personnel doit rester stable conformément aux exigences opérationnelles, le personnel engagé par Charterways peut être considéré comme son actif le plus important. Étant donné que le personnel est vital pour ses opérations, il convient de conclure que le personnel constitue une « partie » caractéristique de son entreprise. En somme, nous sommes convaincus qu’en reprenant une partie importante des effectifs que Charterways déployait précédemment dans l’exécution de son contrat, la ville a a repris à son compte un élément essentiel de cette entreprise. Nous concluons donc que Charterways et la ville ont négocié la vente d’une partie d’une entreprise au sens de l’article 64 de la présente Loi.

[19] La question en litige dans le présent appel est de savoir si la Cour divisionnaire avait raison de déclarer cette conclusion manifestement déraisonnable.

ANALYSE

[20] Devant la Cour divisionnaire, la ville a tenté de présenter un affidavit en vue de démontrer que la Commission ne disposait d’aucune preuve indiquant que le personnel qualifié de Charterways pouvait bien être considéré comme son actif le plus important dans l’exécution de son contrat avec la ville ou que ce personnel soit indispensable au maintien des services de transport en commun. La Cour divisionnaire a refusé d’admettre l’affidavit.

[21] En appel, la municipalité a renouvelé cette demande. À mon avis, la Cour divisionnaire était bien fondée de rejeter l’affidavit. Les déductions que la Commission avait tirées à partir des faits étaient amplement appuyées par la preuve à charge, en particulier, l’histoire des relations entre Charterways et la municipalité, les termes du contrat entre les deux parties et le recrutement auquel a procédé la municipalité. Il ne s’agit donc pas d’une affaire où il n’existe aucun élément de preuve.

[22] La Cour divisionnaire a cependant conclu que la décision de la Commission était manifestement déraisonnable sur deux points :

[23] Premièrement, la Cour divisionnaire a jugé qu’il était manifestement déraisonnable de conclure, compte tenu des faits en cause, qu’il y a eu vente ou transfert. La Cour a souligné que :

[TRADUCTION]

[…] Outre la cessation d’emploi, vu que Chaterways, comme la Commission l’a déterminé, n’avait pas « d’emploi comparable à proposer » aux employés en question, il ne s’était rien passé entre Charterways et la municipalité qui puisse être raisonnablement qualifié de « vente, transfert ou tout autre mode d’aliénation » d’une « partie ou plusieurs de l’entreprise » de Charterways. Plus précisément, il n’y avait pas de « lien », d’« acte légal » ou de « relations juridiques ».

Le fait qu’il était « pratique », eu égard aux besoins de la ville d’Ajax, que Charterways procède à la cessation d’emploi de ses employés n’est pas, à mon avis, une raison suffisante pour conclure que Charterways « a abandonné » ou « a transféré » ces employés à la municipalité. À mon avis, la décision de la Commission selon laquelle la reprise d’anciens effectifs de Charterways constituait, au sens de l’art. 64 de la Loi, une opération de vente entre les deux est « déraisonnable au point de ne pouvoir rationnellement s’appuyer sur la législation pertinente et d’exiger une intervention judiciaire », pour citer les propos du juge en chef Dickson.

[24] À mon avis, cette conclusion de la Cour divisionnaire est erronée. La conclusion selon laquelle les faits réunis constituent une vente aux termes de l’art. 64 n’est pas « clairement irrationnelle ». Elle ne permet pas de donner à cet article une interprétation manifestement déraisonnable. La définition de la loi est englobante : « vend » s’entend en outre des termes « loue » et « transfère », et de « tout autre mode d’aliénation ». Compte tenu de l’objet réparateur de l’art. 64, c’est-à-dire de conserver les droits de négociation, cette définition doit être interprétée de façon large et libérale. Qui plus est, il n’est nullement exigé que l’aliénation d’une entreprise adopte une forme juridique particulière ou procède d’un acte juridique. Dans l’arrêt W. W. Lester, précité, aux pp. 674 et 675, le juge McLachlin précise :

Dix des lois sur les relations du travail contiennent des dispositions dont la formulation s’apparente à celle de l’art. 89 de la Loi de Terre-Neuve, et mentionnent des opérations comme la vente, la location, le transfert et l’aliénation. (La loi équivalente du Québec contient également une disposition sur l’obligation du successeur, dans laquelle est utilisée l’expression « l’aliénation ou la concession »). Même si les expressions « vente » et « location » peuvent avoir des sens restreints, les mots « transfert » et « autre acte d’aliénation » font l’objet d’une interprétation large et embrassent plusieurs types d’opérations, y compris l’échange, le don, la fiducie, la prise de contrôle, l’absorption et la fusion.

En accord avec la fin visée par les dispositions sur l’obligation du successeur– protéger la permanence des droits de négociation — les commissions du travail ont donné à l’expression « aliénation » une interprétation large embrassant pratiquement tout mode de transfert, sans se fonder sur la forme juridique particulière des opérations commerciales. Comme l’a expliqué la Commission de l’Ontario dans l’affaire United Steelworkers of America v. Thorco Manufacturing Ltd. (1965), 65 CLLC ¶ 16,052, une définition extensive correspond au but de la disposition – conserver les droits de négociation peu importe la forme juridique de l’opération qui les met en péril.

[…]

Malgré le vaste pouvoir discrétionnaire des commissions du travail lorsqu’elles sont appelées à déterminer si le mode d’aliénation constitue une succession, il n’en demeure pas moins que dans pratiquement tous les ressorts, il doit y avoir d’une part abandon de quelque chose par l’entreprise prédécesseur et d’autre part obtention de quelque chose par le successeur pour que l’espèce soit visée par la disposition législative.

[25] En l’espèce, par suite de ses obligations contractuelles avec la ville d’Ajax, Charterways avait mis sur pied un groupe d’employés qualifiés et expérimentés chargés d’exploiter le transport en commun pour la ville. Ce sont là les affaires que Charterways poursuivait au nom de la ville d’Ajax. Lorsqu’elle a annulé le contrat, Charterways a remercié les employés dont la plupart furent repris par la municipalité. Le lien entre Charterways et la municipalité est leur relation commerciale étalée sur de nombreuses années et sans laquelle la municipalité n’aurait pas pu reprendre ses employés. Autrement dit, cette reprise représente un « transfert » d’effectifs à la ville. Selon moi, ces considérations constituent une base raisonnable permettant de conclure qu’il y a eu effectivement une vente ou un transfert au sens de l’art. 64 de la présente Loi. La décision de la Commission à cet égard n’est donc pas manifestement déraisonnable.

[26] Deuxièmement, la Cour divisionnaire a jugé clairement irrationnelle la conclusion de la Commission selon laquelle en reprenant les employés en question la municipalité a acquis une « partie  » de Charterways conformément à l’art. 64 de la Loi. La Cour s’est prononcée ainsi :

[TRADUCTION]

Indépendamment de ma propre opinion sur l’effet ou la signification des dispositions du contrat, je ne peux pas en tout état de cause conclure qu’elles autorisent à penser raisonnablement que les employés repris par la ville, constituaient un maillon « critique » ou « essentiel » dans les opérations de Charterways à tel point qu’ils constituent une « partie » de l’entreprise conformément aux interprétations dont l’art. 64 a fait l’objet dans la jurisprudence.

[27] Une telle conclusion est, à mon avis, erronée. Il en est ainsi, car la Commission a déterminé que, vue l’échelle des responsabilités confiées à Charterways et qui consistaient essentiellement à fournir à la municipalité du personnel qualifié, ce personnel qualifié pourrait bien être considéré comme l’actif le plus important de l’entreprise. D’ailleurs, l’importance que la ville accorde à la prestation des services sans discontinuité et à la permanence des effectifs ressort des dispositions du contrat signé par les deux parties et du résultat des embauches effectuées par la municipalité lorsqu’elle a repris les opérations du transport en commun.

[28] En somme, aux yeux de la Commission, ce qui a été transféré n’était pas seulement le travail précédemment effectué par les employés de Charterways ou les employés eux-mêmes. Bien plus, il y avait aussi la valeur ajoutée que représentent la continuité du service, l’expérience et la permanence des effectifs. Elle avait donc des motifs valables pour conclure que ce qui a été transféré à la ville constituait pour Charterways une partie importante de son entreprise et cette conclusion n’était pas manifestement déraisonnable.

[29] Au-delà des raisons invoquées par la Cour divisionnaire, l’intimé a allégué que la décision à laquelle elle est arrivée était appuyée et peut-être dictée par l’arrêt de la Cour suprême du Canada U. E.S. section locale 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048 [ci-après « Bibeault »]. À mon avis, l’arrêt Bibeault relève d’un ensemble de faits et d’un cadre juridique assez différents de l’espèce. Dans l’arrêt, le nouvel employeur présumé n’a acquis rien d’autre que le travail accompli par son prédécesseur. Il n’a repris aucun employé, encore moins d’effectifs dotés d’une valeur particulière consécutive à la poursuite des opérations commerciales. Les dispositions législatives pertinentes n’autorisaient pas la définition extensive de l’expression « vend » inscrite à l’art. 64 de la loi. En conséquence, la conclusion de la Cour suprême voulant que, d’après les faits qui lui ont été présentés, il n’y avait pas de successeur a très peu de pertinence en l’espèce.

[30] En somme, je conclus que la décision de la Cour divisionnaire ne peut être confirmée . Par contre, la conclusion de la Commission selon laquelle, d’après les faits qui lui ont été présentés, il y avait vente d’une partie de l’entreprise au sens de l’art. 64 de la Loi est une conclusion rationnellement défendable. Sa décision ne peut être déclarée clairement irrationnelle ou manifestement déraisonnable.

[31] Je suis d’avis d’accueillir l’appel et de rejeter la demande de contrôle judiciaire avec dépens à l’appelant en l’espèce et devant l’instance inférieure à la charge de l’intimée la ville d’Ajax.

1. Voir Lester (W.W.) (1978) Ltd. c. Association unie des compagnons et appareils de l’industrie de la plomberie et de la tuyauterie, section locale 740 [1990] 3 R.C.S. 644 par le juge McLachlin, aux pp. 673-674.