Holmes c. Bd.of Hosp. Trustees of London (1977), 17 O.R. (2d) 626, 81 D.L.R.(3d) 67 (extraits)
Cour supérieure de justice de l’Ontario
Le juge Robbins
Le 12 octobre 1977
[Traduction du CTTJ du 3 octobre 1991 __ © CICLEF, École de droit, Université de Moncton]
Délits – Action pour faute professionnelle médicale – Fardeau de la preuve – Application de la maxime res ipsa loquitur – Effet sur le fardeau de la preuve
Dans les actions fondées sur la faute professionnelle du médecin, le fardeau de la preuve incombe au demandeur; c’est au patient à établir que le médecin n’a pas respecté la norme de conduite qui lui est applicable dans les circonstances. Le demandeur peut s’acquitter de son fardeau en convainquant le tribunal non pas hors de tout doute, mais par une preuve prépondérante, que le défendeur a commis un acte de négligence.
Puisque la demanderesse peut, en l’espèce, invoquer la maxime res ipsa loquitur, il lui devient plus facile de prouver sa thèse, bien qu’elle soit incapable d’en démontrer la cause exacte. La survenance de l’accident lui-même, la res, constitue une preuve dont on peut raisonnablement déduire la négligence du médecin responsable, mais elle ne constitue qu’un élément de preuve indirecte permettant d’inférer la négligence du défendeur. Le poids qu’il faut accorder à cette inférence, comme celui devant être accordé à toute autre preuve indirecte, dépend des circonstances factuelles de l’affaire.
Version française d’extraits du jugement rendu par
Le juge Robins.– […] Dans les actions fondées sur la faute professionnelle du médecin, comme dans les actions civiles en général, le fardeau de la preuve incombe au demandeur; c’est au patient à établir que le médecin n’a pas respecté la norme de conduite qui lui est applicable dans les circonstances. Le demandeur peut s’acquitter de son fardeau en convainquant le tribunal non pas hors de tout doute, mais par une preuve prépondérante, que le défendeur a commis un acte de négligence. Le fait qu’un traitement médical ne soit pas couronné de succès n’entraîne pas de responsabilité; un résultat défavorable n’est pas nécessairement synonyme de négligence. La médecine n’est pas une science exacte et un médecin ne garantit pas des résultats satisfaisants ni la santé de son patient; les traitements médicaux peuvent entraîner des résultats malheureux même si l’on a fait preuve du degré de diligence et d’habileté le plus élevé.
En l’espèce, en ce qui concerne la demande contre l’anesthésiste, il est reconnu qu’il s’agit d’une catégorie d’affaires à laquelle s’applique la maxime res ipsa loquitur. « La chose parle d’elle-même » signifie ceci : la nature factuelle de l’événement préjudiciable du 28 octobre, compte tenu de la preuve produite, est telle que dans le cours normal des choses, il ne se serait probablement pas produit si le défendeur s’était acquitté du devoir de diligence qui lui incombait; en d’autres termes, les conséquences de l’anesthésie n’ont pas été celles qui se seraient normalement produites si l’anesthésiste avait fait preuve de la diligence voulue. Puisque la demanderesse peut invoquer la maxime res ipsa loquituren l’espèce, il lui devient plus facile de prouver sa thèse, bien qu’elle soit incapable d’en démontrer la cause exacte; la survenance de l’accident lui-même, la res, constitue une preuve dont on peut raisonnablement déduire la négligence du médecin responsable.
Comme je l’ai dit, il n’est pas contesté qu’il s’agit d’une situation à laquelle s’applique la maxime res ipsa loquitur; la question se pose cependant de savoir quel est l’effet sur le plan de la procédure de l’application de la maxime res ipsa loquitur au fardeau de la preuve. La survenance de l’événement, suivant ma conception de la règle res ipsa loquitur, ne constitue qu’un élément de preuve indirecte permettant d’inférer la négligence du défendeur. Le poids qu’il faut accorder à cette inférence, comme celui devant être accordé à toute autre preuve indirecte, dépend des circonstances factuelles de l’affaire. La valeur probante de cette inférence peut varier : elle peut être très forte ou elle peut ne permettre que d’établir une preuve prima facie et empêcher le demandeur de faire l’objet d’une ordonnance de non-lieu; suivant l’expression du professeur Fleming, elle peut « chuchoter ou crier ». La preuve que le défendeur doit apporter dépend de la force probante de l’inférence qu’on lui oppose. Le fardeau de la preuve incombe en fin de compte au demandeur; la règle res ipsa loquitur n’a pas pour effet de placer le fardeau sur le défendeur ou de donner naissance à une présomption juridique en faveur du demandeur que le défendeur doit réfuter pour s’exonérer de toute responsabilité. Au terme du procès, le tribunal doit décider si, compte tenu de l’ensemble de la preuve qui a été produite, le demandeur a établi la négligence du défendeur par une preuve prépondérante. Si les plateaux de la balance ne penchent pas en faveur du demandeur, il faut exonérer le défendeur : voir en général, Fleming, Law of Torts, 5e éd. (1977), aux pp. 302-13; voir aussi Wright, « Res Ipsa Loquitur », Law Society of Upper Canada Special Lectures –Evidence (1955), aux pp. 122-31; pour une compilation et une étude récente de l’abondante jurisprudence sur ce point, voir Schiff « A Res Ipsa Loquitur Nutshell » (1976), 26 U. of T.L.J., à la p. 451.
*
* *