Horne (Re) et Evans 60 O.R. (2d) 1 [1987] O.J. No. 495

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  • Date : 2024

Re Horne et Evans60 O.R. (2d) 1[1987] O.J. No. 495ONTARIO COUR D’APPEL LES JUGES BROOKE, ROBINS ET TARNOPOLSKY, J.C.A.28 MAI 1987

 Droit de la famille — Bien — Foyer conjugal — Propriété indivise — Partage — L’un des conjoints peut mettre fin à l’indivision en transférant sa part à lui-même — Loi portant réforme du droit de la famille, L.R.O. 1980, chap. 152, art. 42(1)a).

 Le défunt et son épouse, l’appelante en l’espèce, étaient propriétaires indivis du foyer conjugal. Peu avant sa mort, le défunt a transféré à lui-même sa moitié de la propriété afin de mettre fin à l’indivision, dans l’intention de léguer sa part à sa fille née d’un mariage antérieur. Il l’a fait par testament. Après sa mort, l’exécutrice testamentaire intimée a transféré la part du défunt à la fille de celui-ci. La requête introduite par l’appelante en ordonnance d’annulation de ces deux actes a été rejetée en première instance.

 Sur appel, arrêt : il faut rejeter l’appel.

 L’article 42(1)a) de la Loi portant réforme du droit de la famille, L.R.O. 1980, chap. 152 (l’article 21 actuel de la Loi de 1986 sur le droit de la famille (Ontario), chap. 4) interdit à un conjoint d’aliéner ou de grever un droit quelconque sur le foyer conjugal sans le consentement de l’autre conjoint. La loi ne prévoit cependant pas le cas où un conjoint transfère à lui-même sa part dans la propriété indivise. Le transfert ne fait que mettre fin à l’indivisibilité du titre et, partant, à l’indivision, et fait de l’indivision une copropriété. Il en résulte que le conjoint survivant perd son droit de survivance. Cependant, chaque conjoint peut garder son droit de propriété sur une moitié non divisée du bien, et continue à avoir droit de possession et de jouissance du foyer conjugal tant que le mariage dure et que les deux conjoints sont en vie; il s’ensuit que, sauf ordre de justice contraire ou stipulation contraire d’un accord de séparation, le droit égal de possession prend fin lorsqu’un conjoint cesse d’être conjoint. En conséquence, le transfert à soi-même ne va pas à l’encontre de la Loi.

 APPEL formé contre le jugement du juge Galligan, 54 O.R. (2d) 510, 1 R.F.L. (3d) 335, portant que la propriété indivise du foyer conjugal a pris fin après que l’un des conjoints eut transféré sa part à lui-même.

 Michael W. Shain, pour l’appelante.

 F. Scott Sievert, pour l’intimé.

 Le jugement de la Cour a été prononcé par

 Le juge ROBINS, J.C.A.:— Cet appel soulève exactement la question que notre Cour a laissée ouverte dans Re Kozub and Timko (1984), 45 O.R. (2d) 558, 7 D.L.R. (4th) 509, 16 E.T.R. 129, savoir si l’interdiction faite par l’article 42 de la Loi portant réforme du droit de la famille, R.S.O. 1980, chap. 152 (l’article 21 actuel de la Loi de 1986 sur le droit de la famille (Ont.), chap. 4), à l’aliénation ou l’engagement par un conjoint de sa part dans le foyer conjugal sans la participation ou le consentement de l’autre, s’applique au cas où l’un des conjoints, sans le consentement de l’autre, transfère à lui-même sa propre part pour mettre fin à l’indivision.

 Les faits de la cause peuvent se résumer brièvement et ne sont pas contestés. Le foyer conjugal en question était la propriété de feu Hillis Archibald Horne (“le mari”) et de Loretta Rita Horne (“la femme”). Peu avant sa mort et à l’insu de sa femme et sans son consentement, le mari a signé un acte transférant à lui-même sa part dans la propriété dans l’intention expresse de mettre fin à l’indivision. Par la suite, il a légué cette part à sa fille, née d’un mariage antérieur. À la suite de sa mort survenue le 11 décembre 1984, sa femme a demandé, en application des articles 42 et 44 de la Loi portant réforme du droit de la famille (Lrdf), l’annulation de cet acte ainsi qu’un acte subséquent de l’exécutrice testamentaire du mari en faveur de sa fille. La requête a été entendue par le juge Galligan qui l’a rejetée (54 O.R. (2d) 510, 1 R.F.I. 335)54 O.R. (2d) 510, 1 R.F.L. 335). D’où cet appel.

 Voici les dispositions applicables des articles 42 et 44 Lrdf :

 

 42(1) Aucun conjoint n’aliène ni ne grève un droit sur un foyer conjugal à moins que soit réalisée l’une des conditions suivantes :

 

 

 a) l’autre conjoint est partie à l’acte ou consent à l’opération;

 

 

 b) l’autre conjoint a renoncé, au moyen d’un accord de séparation, à tous les droits que lui reconnaît la présente partie;

 

 

 c) une ordonnance du tribunal a autorisé l’opération ou a libéré le bien de l’application de la présente partie;

 

 

 d) le bien n’est pas désigné par les deux conjoints comme foyer conjugal et un acte désignant un autre bien comme foyer conjugal, fait par les deux conjoints, est enregistré et n’est pas annulé.

 

 

 (2) Si un conjoint aliène ou grève un droit sur un foyer conjugal en contravention avec le paragraphe (1), l’opération peut être annulée à la suite d’une requête présentée en vertu de l’article 23, sauf si la personne qui détient le droit ou la sûreté au moment de la requête l’a acquis contre valeur, de bonne foi et sans connaissance, au moment de l’acquisition ou de l’accord en vue de l’acquérir, du fait que le bien était un foyer conjugal.

 

 

. . . . .

 

 

 44. À la suite de la requête d’un conjoint ou d’une personne ayant un droit sur un bien, le tribunal peut, par ordonnance :

 

 

. . . . .

 

 

 d) annuler l’opération qui aliène ou grève un droit sur le foyer conjugal si elle contrevient au paragraphe 21 (1), et ordonner le retour, même partiel, du droit transféré, aux conditions que le tribunal juge appropriées.

 

 Les restrictions imposées en matière d’aliénation du foyer conjugal par l’article 21 de la Loi de 1986 sur le droit de la famille (Ldf) sont essentiellement les mêmes que celles prévues à l’article 42 ci-dessus, et l’article 23 de la même loi investit le juge de tous les pouvoirs que prévoyait en la matière l’article 44 de la Loi ancienne. Cet appel a été formé bien entendu en application de la Loi portant réforme du droit de la famille, mais je me référerai également aux dispositions de la Loi sur le droit de la famille.

La jurisprudence

 La question spécifique qui se pose dans cet appel a été examinée dans diverses décisions divergentes, dont la première est Re Van Dorp and Van Dorp (1981), 30 O.R. (2d) 623, 16 R.P.R. 161 (C. Ct.). Dans cette affaire, le mari a signé un acte transférant à lui-même sa moitié dans l’exploitation agricole dont sa femme et lui-même étaient les propriétaires indivis, à seule fin de mettre fin à l’indivision et d’être à même de léguer par testament sa part à ses trois fils. Sur requête introduite par sa femme après sa mort, le regretté juge Carley a conclu que le transfert effectué par le mari « aliénait » le droit de survivance de la femme sur la propriété, ce qui allait à l’encontre de l’article 42 Lrdf; il a annulé l’acte en question, en notant ce qui suit en pages 631 et 632 :

 

 [TRADUCTION] L’expression « dispose of any interest in » (aliéner un droit) n’est définie nulle part dans la Loi de 1978 portant réforme du droit de la famille ou la Loi sur l’enregistrement des actes, R.S.O. 1970, c. 409, ou la Loi sur les actes translatifs de propriété et le droit des biens.

 

 

 Le petit Oxford English Dictionary donne plusieurs définitions du terme « dispose », entre autres « to dispose of, deal with in any way », « the action of bestowing, making over or dealing out », « bestowal, distribution ».

 

 

 En l’espèce, il appert qu’en signant l’acte translatif de propriété, le mari a mis fin à l’indivisibilité du titre et, du coup, a aliéné le droit de survivance de la femme sur la propriété. Il est vrai que le même individu est à la fois donateur et donataire, mais à différents titres. En qualité de donateur, le mari était le propriétaire indivis d’une moitié du bien mais, en qualité de donataire par suite du transfert à lui-même, il est devenu le propriétaire d’un droit divergent, savoir de la moitié non divisée du fonds sans aucun droit de survivance.

 

 Dans Re Lamanna and Lamanna et al. (1983), 145 D.L.R. (3d) 117, 32 R.F.L. (2d) 386, 27 R.P.R. 142 (Ont. H.C.J.), le mari cherchait dans les mêmes circonstances à faire annuler l’acte par lequel la femme transférait à elle-même sa moitié dans la propriété indivise du foyer conjugal afin de la léguer par testament à leurs cinq enfants. Dans cette affaire, le juge Walsh, s’opposant à la conclusion tirée par le juge Carley, a jugé que le transfert effectué par un indivisaire à lui-même ne constituait pas une « aliénation » au sens de l’article 42 (requérant le consentement de l’autre conjoint) et pouvait donc mettre fin à l’indivision. Après avoir évoqué les passages susmentionnés de la décision Re VanDorp, il a conclu en ces termes en pages 119 et 120 :

 

 [TRADUCTION] J’ai du mal à partager la conclusion que « du coup, il a aliéné le droit de survivance de sa femme sur la propriété » (c’est moi qui souligne). Il est clair qu’un transfert effectué à soi-même divise la propriété indivise puisqu’il met fin à l’indivision. Il se crée ainsi une copropriété, puisque l’aliénataire et le propriétaire restant détiennent leur droit sur le bien en vertu de titres séparés et non d’un titre indivis qui est essentiel pour l’existence de l’indivision. Ainsi donc, le droit de l’aliénataire sur le bien doit être déterminé à la lumière du transfert qu’il a effectué à lui-même; son titre est réputé procéder de ce transfert et non de l’acte d’indivision antérieur. S’il est vrai qu’après la signature et l’enregistrement du transfert à lui-même, cet indivisaire a perdu son droit de survivance sur la propriété, cela ne tient pas à l’aliénation de son droit come il a été jugé dans Van Dorp, mais à ce que la nature du titre en vertu duquel il détient ce droit a changé : la moitié non divisée du droit sur cette propriété demeure la même.

 

 L’approche suivie dans Re Lamanna and Lamanna a été adoptée dans Re Gignac and Schroeder (1984), 23 A.C.W.S. (2d) 482 (jugement prononcé par le juge Fortier de la Cour de comté), dans Re Bank of Montreal and Norton (1983), 44 O.R. (2d) 39, 36 R.F.L. (2d) 268, 29 R.P.R. 248 (jugement prononcé par le juge Boland), et par le jugeGalligan dans l’affaire en instance.

 Dans Re Kozub and Timko susmentionné, l’épouse défunte avait transféré sa moitié dans le foyer conjugal indivis non pas à elle-même, mais à une tierce personne, savoir son fils. En l’occurrence, la Cour de céans a confirmé l’ordonnance portant annulation de l’acte. Le juge Arnup, prononçant le jugement de la Cour, convenait avec le juge Walsh et contrairement à la décision Re Van Dorp, que le transfert par un indivisaire de sa part dans le foyer conjugal ne constituait pas une « aliénation » du droit de survivance de l’autre indivisaire. Il n’acceptait cependant pas que la partie III de la Loi portant réforme du droit de la famille (devenue depuis la partie II de la Loi sur le droit de la famille), en particulier son article 42 (l’article 21 Ldf) « ne portait que sur les droits de possession, et non sur les droits de propriété ». La Cour a souligné que le transfert par un conjoint à un tiers était une violation des termes clairs de l’article 42 et, qu’une fois annulé, le transfert ne pouvait avoir pour effet de mettre fin à l’indivision malgré l’intention manifeste du cédant en ce sens. Cependant, la Cour s’est gardée expressément de se prononcer sur le cas du transfert par un conjoint à lui-même et a laissé ouverte la question de savoir si pareil transfert est couvert par l’article 42 et requiert le consentement de l’autre conjoint. Le juge Arnup a fait à ce propos l’observation suivante en page 562 O.R., page 513 D.L.R :

 

 [TRADUCTION] Le litige en l’espèce porte sur le transfert par un indivisaire de sa part dans le foyer conjugal à une tierce personne. Dans ReLamanna and Lammana, le juge Walsh avait à se prononcer sur le transfert par l’épouse indivisaire de sa moitié dans le foyer conjugal à elle-même. À part les vues que j’ai exprimées supra, nous choisissons de laisser ouverte la question du bien-jugé dans cette cause, quitte à l’examiner dans une affaire caractérisée par les mêmes faits.

 

 Les mêmes faits sont présents en l’espèce et il faut décider si Re Lamanna and Lamanna a été bien jugée.

 La décision Re Wierzbicki and Wierzbicki (1986), 55 O.R. (2d) 77, 29 D.L.R. (4th) 78, 3 R.F.L. (3d) 82 (H.C.J.), a été rendue après Re Kozub and Timko. L’épouse, après avoir transféré à elle-même sa moitié dans le foyer conjugal indivis à l’insu du mari et sans son consentement, l’a hypothéquée à ses avocats. Le mari a pu faire annuler l’hypothèque à titre d’engagement du foyer conjugal en violation de l’article 42 Lrdf. Bien qu’aucune requête n’eût été introduite en annulation du transfert par l’épouse à elle-même, le juge Callon a interprété la jurisprudence Re Kozub and Timco comme rejetant la décision Re Lamanna and Lemanna, et a noté que « l’article 42 s’applique à tout acte translatif de propriété qui touche au droit de survivance d’un conjoint sur le foyer conjugal, puisque ce droit est un droit de propriété » (page 86 O.R., page 86 D.L.R.) Tout en jugeant que le transfert par l’épouse à elle-même était une « aliénation » soumise à l’application de l’article 42, il a conclu ensuite que quand bien même cet article ne s’appliquerait pas, il interdisait à l’intéressée d’engager subséquemment son droit. Par ce motif, il a annulé les hypothèques.

 Compte tenu de cette jurisprudence, je passe maintenant à l’examen du point litigieux en l’espèce.

Le transfert par un conjoint indivisaire à lui-même dans le but de mettre fin à l’indivision revient-il à « aliéner » un « droit » sur le foyer conjugal, au sens de l’article 42 Lrdf (ou l’article 21 Ldf)?

 À mon avis, pareil transfert échappe à l’application de la loi et il faut répondre à cette question par la négative. Indubitablement, le transfert par un indivisaire à lui-même met fin à l’indivisibilité du titre, essentielle au maintien de l’indivision, et a pour effet de créer une copropriété. Ce qui, à la différence de l’engagement par un conjoint de sa propre part ou du transfert de cette part à une tierce personne, ne peut affecter le droit de possession ou de jouissance que l’autre conjoint tient de la partie III Lrdf ou de la partie II Ldf. L’importance que représente un transfert de cette nature tient à ce qu’il élimine cet incident propre à l’indivision, dans lequel la mort d’un indivisaire met fin à son droit sur la propriété, de telle façon que l’autre conjoint est saisi et entre en possession du tout. Cependant, bien que le droit de survivance soit éliminé de cette façon, chaque conjoint continue néanmoins à être propriétaire d’une moitié non divisée du bien. Dans le cadre de l’article 42 (article 21 Ldf), un acte par lequel un indivisaire transfère à lui-même sa part dans le foyer conjugal, comme l’a conclu la Cour dans Re Kozub and Timko (p. 561 O.R., p. 512 D.L.R.), n’« aliène » pas le droit de survivance de l’autre indivisaire ni, devrais-je ajouter, celui du donataire. Ce résultat est judicieusement articulé par le juge Walsh dans Re Lamanna and Lamanna dans le passage suivant en pages 119 et 120, cité supra :

 

[TRADUCTION] Il est clair qu’un transfert effectué à soi-même divise la propriété indivise puisqu’il met fin à l’indivision. Il se crée ainsi une copropriété, puisque l’aliénataire et le propriétaire restant détiennent leur droit sur le bien en vertu de titres séparés et non d’un titre indivis qui est essentiel pour l’existence de l’indivision. Ainsi donc, le droit de l’aliénataire sur le bien doit être déterminé à la lumière du transfert qu’il a effectué à lui-même; son titre est réputé procéder de ce transfert et non de l’acte d’indivision antérieur. S’il est vrai qu’après la signature et l’enregistrement du transfert à lui-même, cet indivisaire a perdu son droit de survivance sur la propriété, cela ne tient pas à l’aliénation de son droit come il a été jugé dans Van Dorp, mais à ce que la nature du titre en vertu duquel il détient ce droit a changé : la moitié non divisée du droit sur cette propriété demeure la même.

 

 La Lrdf comme la Ldf n’est que d’application limitée à l’égard du foyer conjugal après la mort de l’un des conjoints. Elles prévoient pour l’un ou l’autre le droit de possession sur le foyer conjugal (art. 40(1) Lrdf, art. 19(1) Ldf). Mais sauf ordre de justice ou accord de séparation, l’article 40(2) Lrdf prévoit que ce droit de possession prend fin quand le conjoint qui le détient cesse d’être un conjoint, et l’article 19(2) Ldf prévoit que dans le cas où un seul des conjoints détient un droit de propriété sur le foyer conjugal, le droit de possession dont jouit l’autre conjoint est un droit personnel et s’éteint à la rupture de l’union. L’union prend fin à la mort de l’un des conjoints. Les deux lois prévoient ainsi l’annulation de la désignation du foyer conjugal à l’enregistrement de la preuve du décès (art. 41(3) Lrdf, art. 20(6) Ldf). La Loi sur le droit de la famille introduit en son article 26 une disposition entièrement nouvelle au sujet du foyer conjugal : (1) si, à son décès, un conjoint est propriétaire indivis du foyer conjugal conjointement avec un tiers et non avec son conjoint, l’indivision est réputée avoir pris fin immédiatement avant le moment du décès (il s’ensuit que le droit détenu par le défunt est versé dans sa masse successorale), et (2) malgré les alinéas 19 (2) a) et b) (fin du droit de possession du conjoint), le conjoint qui ne détient aucun droit de propriété sur le foyer conjugal mais qui l’occupe au moment du décès de l’autre conjoint, que ce soit en vertu d’une ordonnance de possession exclusive ou autrement, a le droit de maintenir la possession du foyer conjugal contre la succession du conjoint, sans avoir à payer de loyer, pendant 60 jours à partir du décès de ce dernier.

 À la lumière de l’économie de ces lois et de leur effet restrictivement circonscrit sur les droits des conjoints sur le foyer conjugal à la mort de l’un des deux, je ne peux concevoir que le législateur ait eu pour volonté d’inclure le «  droit de survivance » d’un indivisaire dans les « droits » sur le foyer conjugal, soumis aux restrictions imposées par l’article 42 Lfdf et l’article 21 Ldf. Ces lois ne visent pas à dicter les modalités du droit de propriété des conjoints sur le foyer conjugal. Un partage de la propriété indivise ne bouscule ni n’affecte l’équilibre entre les conjoints en ce qui concerne la propriété ou la jouissance de leur foyer conjugal durant leur mariage. En termes pratiques, la seule conséquence en est que la moitié du droit indivis détenu par chaque conjoint est versée de ce fait dans sa masse successorale, ce qui lui permet de léguer par testament ses droits comme il l’entend. Ce qui ne donne au conjoint intéressé aucun droit au-delà de celui dont jouit un conjoint sur un foyer conjugal qui lui appartient en propre ou avec une tierce personne, ou au-delà de celui dont jouit un conjoint qui détient ses droits dans une copropriété; elle ne confère pas non plus au conjoint survivant aucune qualité autre que celle du conjoint survivant dont le titre de propriété n’est pas indivis et ne lui transfère pas les droits du conjoint défunt sur le foyer conjugal à la mort de celui-ci. Les droits du conjoint survivant sont régis au premier chef par la Loi portant réforme du droit des successions, L.R.O. 1980, chap. 488, laquelle, on se rappelle, est entrée en vigueur en même temps que la Lrdf. Cette loi prévoit que dans le cas où le conjoint défunt avait manqué à ses obligations alimentaires, le juge peut rendre diverses ordonnances au sujet de ses biens en faveur du conjoint survivant à charge, y compris des ordonnances sur la jouissance et la propriété du foyer conjugal.

 Le droit qu’a un indivisaire de mettre fin unilatéralement à l’indivision est un droit reconnu de longue date en common law. À mon avis, il ne faut pas interpréter les règles de droit de la famille en question comme ayant pour effet de limiter ce droit en l’absence de dispositions expresses à cet effet. Telles que ces lois sont agencées à l’heure actuelle, un partage n’est pas incompatible avec l’économie générale de la législation en la matière ni avec les dispositions relatives au foyer conjugal. Aucun argument d’ordre public n’a été proposé pour forcer à conclure qu’il est interdit à un conjoint, faute de consentement de l’autre ou d’ordre de justice et tant que le mariage subsiste (peu importe dans quel état), de prendre les mesures nécessaires pour que ce droit de propriété fasse partie de sa masse successorale, et que le survivant (peu importe qui il est) n’acquiert pas le droit exclusif de propriété par l’effet de la loi. À mon avis, peut importe la qualification juridique du « doit de survivance », un transfert par un indivisaire à lui-même pour éliminer ce droit ne constitue pas l’« aliénation » d’un « droit » au sens de l’article 42 Lrdf ou de l’article 21 Ldf. En bref, je partage le jugement rendu par le juge Walsh dans Re Lamanna andLemanna à l’égard des faits de la cause.

Conclusion

 Par ces motifs, je conclus que l’interdiction prévue à l’article 42 de la Loi portant réforme du droit de la famille (l’actuel article 21 de la Loi sur le droit de la famille) ne s’applique pas au cas où l’un des conjoints, sans le consentement de l’autre, transfère à lui-même, par acte translatif de propriété, sa part dans l’indivision pour mettre fin à celle-ci. Je me prononce en conséquence pour le rejet de l’appel.

Appel rejeté.