Livent Inc., Re (1999), 46 O.R. (3d) 463 (C.A.)

  • Dossier :
  • Date : 2024

North York Performing Arts Centre Corporation c. Ticketmaster Canada Ltd. et al

 

[Répertorié : Livent Inc.]

 

Cour d’appel de l’Ontario, les juges Catzman, Labrosse et Moldaver.

 

15 novembre 1999

 

Législation sur la protection du consommateur — Billets relatifs à des spectacles sur scène — Vendeur de billets relatifs à des spectacles sur scène dont les représentations sont subséquemment annulées — Les obligations de remboursement et les obligations fiduciaires imposées par la Loi sur la protection du consommateur ne s’appliquent pas — L.R.O. 1990, ch. C.31, art. 20.

 

Vente de marchandises — Protection du consommateur — Billets relatifs à des spectacles sur scène — Vendeur de billets relatifs à des spectacles sur scène dont les représentations sont subséquemment annulées — Les obligations de remboursement et les obligations fiduciaires imposées par la Loi sur la protection du consommateur ne s’appliquent pas — L.R.O. 1990, ch. C.31, art. 20.

 

Les vendeurs de spectacles sur scène et leurs mandataires qui vendent des billets relatifs à des représentations subséquemment annulées ne sont pas assujettis aux obligations de remboursement et aux obligations fiduciaires découlant de l’article 20 de la Loi sur la protection du consommateur. L’article 20 s’applique, notamment, lorsqu’une somme d’argent est versée à l’égard de « l’achat proposé de marchandises ou de services » et le mot « proposé » (« proposed » dans la version anglaise) touche l’achat et non les services. Dans le cas de la vente d’un billet de spectacle, l’achat n’est pas un « achat proposé » au sens de l’article 20. L’achat a lieu au moment où le billet est vendu; seuls les services sont proposés, parce qu’ils sont rendus à une date ultérieure.

 

Jurisprudence

 

Dwyer v. Hunter, [1951] N.Z.L.T. 177 (C.A.); Heller v. Niagara Racing Assn. (1924), O.L.R. 355, [1925] 2 D.L.R. 286 (C.A.);Hurst v. Picture Theatres Ltd., [1915] 1 K.B. 1, [1914-25] All E.R. Rep. 836, 83 L.J.K.B. 1836, 111 L.T. 972, 30 T.L.R. 642 (C.A.)

 

Lois et règlements

 

Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. (1985), ch. C-36

Loi sur la protection du consommateur, L.R.O. 1990, ch. C.31, art. premier « contrat exécutoire », et art. 18, 19 et 20

Règlement 176, L.R.O. 1990 (Loi sur la protection du consommateur), art. 9

 

Appel d’une ordonnance du juge Ground (1998), 42 O.R. (3d) 501, 45 B.L.R. (2d) 249 (Div. gén.) portant que l’article 20 de la Loi sur la protection du consommateur, L.R.O. 1990, ch. C.31, ne s’applique pas à la vente de billets par les vendeurs de spectacles sur scène et leurs mandataires.

 

Me Christopher Besant, pour l=appelante

Mes Daniel Dowdall et Shayne Kukulowicz, pour l=intimée Ticketmaster Canada Ltd.

Me Patrick O=Kelly, pour l=intimée Livent Inc.

Me Kevin P. McElcheran, pour l’intimée Banque Canadienne Impériale de Commerce

Me Sheryl E. Seigel, pour l’intimé le comité informel des titulaires de billets à ordre prioritaires

 

Le jugement de la Cour a été rendu par

 

 LE JUGE CATZMAN, J.C.A.

 

L=appel

 

[1] North York Performing Arts Centre Corporation (* NYPACC +) interjette appel de l=ordonnance [publiée dans (1998), 42 O.R. (3d) 501, 45 BLR (2d) 249] dans laquelle le juge Ground a déclaré, notamment, ce qui suit :

 

[TRADUCTION] …les obligations de remboursement et les obligations fiduciaires découlant de l=article 20 de la Loi sur la protection du consommateur et du paragraphe 9(2) de son Règlement d=application ne couvrent pas les transactions conclues entre Livent (que ce soit directement ou par l=entremise de son mandataire TicketMaster) et les personnes qui ont payé à l=avance (que ce soit à Livent directement ou indirectement par l=entremise de TicketMaster) le prix des billets établis à l’avance (les * détenteurs de billets +) à l=égard :

 

(i) des représentations qui devaient avoir lieu au Ford Centre et qui avaient été organisées et ont subséquemment été annulées par Livent;

 

(ii) des événements qui devaient être présentés par des locataires du Ford Centre (* locataires +) et qui n=ont pas eu lieu par suite de l=annulation du contrat de location par Livent.

 

[2] En plus de cette déclaration, le juge Ground a formulé d=autres déclarations défavorables à NYPACC au sujet des fiducies expresses ou implicites ou des fiducies induites des faits qui auraient existé en faveur de celle-ci, des détenteurs de billets et des locataires. Aucun appel n=a été interjeté à l=égard de ces déclarations supplémentaires.

 

Les questions à trancher en appel

 

[3] NYPACC a demandé à la Cour d’appel d’examiner uniquement les questions suivantes, qu=elle a formulées comme suit dans son mémoire :

 

1. Les vendeurs de spectacles sur scène et leurs mandataires sont-ils assujettis aux obligations de remboursement et aux obligations fiduciaires découlant de l=article 20 de la Loi sur la protection du consommateur et de l=article 9 de son Règlement d=application?

 

2. Le respect des obligations susmentionnées, qui découlent d=une loi provinciale, peut-il faire l’objet d’une suspension ou d=un compromis suivant des ordonnances rendues en application de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, qui est une loi fédérale?

 

[4] Étant donné que j=ai répondu par la négative à la première question, il n=est pas nécessaire que je tranche la seconde.

 

Dispositions pertinentes de la Loi sur la protection du consommateur et de son Règlement d=application

 

[5] Voici le texte des articles 18 et 20 de la Loi sur la protection du consommateur, L.R.O. 1990, ch. C.31 :

 

18. La présente partie [Partie II] s’applique aux contrats exécutoires relatifs à la vente de marchandises ou de services dont le prix d’achat, frais d’emprunt exclus, excède 50 $.

. . . . .

20. Si un objet donné en reprise est remis ou qu’un versement d’une somme d’argent est effectué, que ce soit à titre d’acompte ou autrement, à valoir sur l’achat proposé de marchandises ou de services mais qu’il n’est pas conclu de contrat liant les parties relativement aux marchandises et qu’aucune livraison de marchandises n’est effectuée, en tout ou en partie, à l’acheteur, ni aucun service rendu, le vendeur, à la demande de l’acheteur, retourne l’objet donné en reprise ou rembourse intégralement les sommes versées, selon le cas.

[6] La partie II s=applique au * contrat exécutoire +, qui est défini comme suit à l=article premier de la Loi :

1. Dans la présente Loi,

* contrat exécutoire + Contrat, entre un acheteur et un vendeur, relatif à l’achat et à la vente de marchandises ou de services dont la livraison, la prestation ou le versement intégral de la contrepartie n’ont pas eu lieu au moment de la conclusion du contrat.

[7] Voici le texte des paragraphes 9(1) et (2) du Règlement 176 pris en application de la Loi sur la protection du consommateur:

9.(1) Le vendeur qui reçoit des sommes aux termes d’un contrat exécutoire résiliable auquel s’applique la partie II de la Loi les détient en fiducie pour le compte de l’acheteur jusqu’à ce que le contrat soit résilié aux termes de l’article 21 de la Loi ou jusqu’à l’expiration du délai de résiliation, si celui-ci est postérieur à la résiliation.

 

(2) Si des sommes sont versées en acompte, notamment au moyen d’un dépôt, en vue de l’achat de marchandises ou de services, mais qu’aucun contrat ayant force exécutoire n’est conclu à l’égard des marchandises et qu’aucune marchandise, en totalité ou en partie, n’a été livrée à l’acheteur ou qu’aucun service n’a été fourni, le vendeur détient les sommes en fiducie pour le compte de l’acheteur jusqu’à ce que, selon le cas :

 

a) les marchandises soient livrées ou les services fournis;

 

b) l=acheteur demande le remboursement complet des sommes versées;

 

c) sous réserve du paragraphe (1), un contrat ayant force exécutoire soit conclu.

 

Les conclusions du juge Ground

 

[8] Déclarant que l=article 20 de la Loi et le paragraphe 9(2) du Règlement ne s=appliquaient pas aux transactions intervenues entre les détenteurs de billets et les locataires, le juge Ground s’est exprimé comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

(i) le contrat intervenu entre eux n=était pas visé par la définition de l=expression * contrat exécutoire + énoncée dans la Loi, parce qu=il ne s=agissait pas d=un contrat relatif à l=achat de services, mais plutôt d=un contrat de la nature d=une licence autorisant une personne à se rendre à une salle de spectacle et à occuper un siège précis de cette salle au cours d’une représentation donnée;

 

(ii)le contrat intervenu entre eux n=était pas un contrat relatif à [TRADUCTION] * l=achat proposé… de services +, parce que l=achat était déjà fait lorsque le billet a été obtenu et que, dès ce moment, le détenteur du billet a acquis un droit opposable lui permettant d=assister à une représentation ultérieure ou de réclamer la résiliation du contrat et le remboursement du prix du billet en cas d’annulation de la représentation.

 

* Contrat exécutoire +

 

[9] La première des deux conclusions du juge Ground est fondée sur deux décisions rendues dans des cas de cette nature concernant un billet, soit les affaires Hurst v. Picture Theatres Ltd., [1915] 2 K.B. 1 [1914-15] (C.A.), et Heller v. Niagara Racing Assn. (1924), 56 O.L.R. 355 [1925] 2 D.L.R. 286 (C.A.). Dans ces affaires, la vente d=un billet a été considérée comme une opération autorisant le détenteur du billet à entrer et à rester à l’endroit indiqué sur le billet pendant la durée de l=événement ou du spectacle concerné, laquelle autorisation est irrévocable, à moins que le détenteur ne se comporte mal ou qu’il ne respecte pas les conditions connues. NYPACC nous a demandé d=accepter l’analyse qui est décrite dans l’arrêt Dwyer v. Hunter, [1951] N.Z.L.R. 177 (C.A.), laquelle analyse serait plus conforme avec la réalité moderne. Dans cette affaire, qui portait sur le lien entre un hôtelier et un invité, il a été décidé (p. 190) que, même si l=hôtel accorde à l=invité une licence l=autorisant à occuper une chambre, une salle à manger ou une salle de séjour, la licence exige néanmoins l=exécution de certains services. Cette conclusion n=est pas très différente de celle que le juge Ground a formulée au sujet du droit du détenteur de billet en l=espèce :

 

[TRADUCTION]

 

Il me semble que, de par sa nature, le contrat [intervenu entre le détenteur de billet et Livent] est un contrat par lequel le détenteur de billet obtient le droit de se rendre à une salle de spectacle et d=occuper un siège particulier au cours d=une représentation afin d=observer et d=entendre les prestations là où les services des interprètes sont fournis, mais que ces services sont fournis au producteur et non au détenteur de billet. (Non souligné à l=original)

 

[10] NYPACC a soutenu que le contrat passé entre Livent et son détenteur de billet est visé par la définition de l=expression *contrat exécutoire + énoncée à la Loi. Selon NYPACC, il s=agissait d=un [TRADUCTION] * contrat, entre un acheteur et un vendeur, relatif à l=achat et à la vente de … services dont… la prestation… n=a pas lieu au moment de la conclusion du contrat +.

 

[11] Bien qu=une lecture littérale de ces mots permette à première vue ce genre d=interprétation, je n=ai aucun doute sur le fait que le type de transaction dont il s’agit en l=espèce en est une que le législateur ne pouvait raisonnablement avoir à l=esprit lorsqu=il a défini l=expression * contrat exécutoire +. Cette conclusion ressort clairement d=une lecture rapide de l=article 19 de la Loi, qui décrit la forme du contrat exécutoire. Selon cette disposition, chaque contrat exécutoire doit indiquer * les nom et adressedu vendeur et de l’acheteur + (alinéa 19(1)a); * le prix unitaire des marchandises ou des services et un état détaillé des conditions de paiement + (alinéa 19(1)c); * une garantie se rapportant aux marchandises ou services, ou, en l’absence de garantie, une déclaration à cet effet + (alinéa 19(1)f). Dans la même veine, le paragraphe 19(2) énonce qu=un contrat exécutoire ne lie pas l=acheteur, à moins qu=il ne soit établi conformément à la partie II de la Loi et au Règlement et revêtu de la signature des parties et que chacune des parties possède un double original du contrat. Ce sont là des dispositions qui ne peuvent s=appliquer, en pratique, à l=achat, habituellement par téléphone, d=un billet de spectacle ou à la forme de billet découlant de cet achat. Même s=il n=est pas nécessaire que je formule une opinion définitive à ce sujet, j=estime qu’un examen attentif de la définition des mots * contrat exécutoire + permettrait de réfuter tout argument selon lequel les ventes de cette nature sont visées par cette expression.

 

* Achat proposé de marchandises ou de services + 

 

[12] S=il ne m=apparaît pas nécessaire de formuler d=opinion définitive sur la question du * contrat exécutoire +, c=est que j=estime que l=argument de NYPACC est manifestement dénué de tout fondement, compte tenu de la seconde conclusion du juge Ground selon laquelle le contrat ne concerne pas « l=achat proposé de marchandises ou de services » au sens de l=article 20 de la Loi et du paragraphe 9(2) du Règlement.

 

[13] Voici comment le juge Ground s=est exprimé dans ses motifs à ce sujet :

 

[TRADUCTION]

 

Par conséquent, même si le contrat passé entre Livent et le détenteur de billet est considéré comme un contrat concernant l=achat de services, il ne s=agit, pas à mon sens, d=un achat proposé, car l=achat est bel et bien fait au moment où le billet est obtenu, le détenteur de billet ayant alors acheté ou acquis un droit opposable lui permettant d=assister à une représentation ultérieure ou de réclamer la résiliation du contrat et le remboursement du prix du billet s=il n=y a pas de représentation.

 

[14] Je suis d=accord. Si je ne tiens pas compte du mot * marchandises +, les mots pertinents de la Loi sont * achat proposé de services + et non * achat de services proposés +. En d=autres termes, comme l’indique clairement la version française de la Loi, le mot * proposé + se rapporte à * l=achat + et non aux * services +. Le contrat est conclu au moment où le billet est acheté et, même si la présentation ultérieure du spectacle est visée par le mot * services +, il s=agit d=un service dont la prestation doit avoir lieu plus tard. L=achat a lieu au moment où le billet est vendu et, même selon l=analyse de NYPACC, seuls les * services + sont proposés, car ils sont rendus plus tard.

 

[15] À mon avis, c=est là la bonne façon d=interpréter les mots * achat proposé de … services + de l=article 20 de la Loi et du paragraphe 9(2) du Règlement et, en raison de cette interprétation, la position de NYPACC dans le présent appel ne peut être retenue.

 

[16] En conséquence, la réponse à la première question de NYPACC est négative, de sorte qu’il n=est pas nécessaire d=examiner la seconde question.

 

Décision

 

[17] L=appel est rejeté avec dépens.

 

Appel rejeté