[Répertorié : R. c. Ohelo]
Cour supérieure de justice, la juge Pardu
Le 8 septembre 2009
Droit criminel – Appels – Irrégularité de procédure – Un francophone n’a pas été avisé de son droit à un procès dans la langue officielle de son choix – La violation de l’art. 530 du Code constitue un tort important et non une irrégularité de procédure – L’art. 686(1)b) du Code ne s’applique pas – L’appel de l’accusé contre sa condamnation est accueilli – Code criminel, art. 530, 686(1)b).
Droit criminel – Droits linguistiques — Un francophone n’a pas été avisé de son droit à un procès dans la langue officielle de son choix – La violation de l’art. 530 du Code constitue un tort important et non une irrégularité de procédure – L’art. 686(1)b) du Code ne s’applique pas – L’appel de l’accusé contre sa condamnation est accueilli – Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, art. 530, 686(1)b).
L’accusé, un francophone, n’a pas été avisé de ses droits linguistiques alors que l’art. 530 du Code criminel prescrivait qu’il le fût, et cette omission a eu lieu même si l’accusé avait dit à plusieurs reprises que son anglais n’était pas très bon. Le procès s’est déroulé en anglais. L’accusé a interjeté appel de sa condamnation pour conduite en état d’ébriété et refus de fournir un échantillon d’haleine.
Décision : L’appel est accueilli.
L’accusé avait droit à un procès dans la langue officielle de son choix, et ce doit a été brimé. Une violation de l’art. 530 constitue un tort important et non une irrégularité de procédure. En conséquence, l’al. 686(1)b) du Code ne s’applique pas.
Décision mentionnée
R.c. Beaulac, [1999] 1 R.C.S. 768, [1999] J.C.S. no25, 173 D.L.R. (4th) 193, 238 N.R. 131, J.E. 99-1082, 121 B.C.A.C. 227, 134 C.C.C. (3d) 481, 62 C.R.R. (2d) 133, 42 W.C.B. (2d) 217
Loi mentionnée
Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, art. 530 [et ses modifications] (1), (2), (3)
APPEL interjeté par l’accusé à l’encontre d’une condamnation.
D. Carbonneau, pour la Couronne.
Leclair, pour l’appelant.
[1] LA JUGE PARDU : — L’appelant interjette appel des condamnations prononcées à la Cour de Justice de l’Ontario. Il est francophone, mais a subi son procès à la cour de première instance en anglais. Le paragraphe 530(3) du Code Criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, exige que « le juge de paix ou le juge de la cour provinciale devant qui l’accusé comparaît pour la première fois veille à ce que l’accusé soit avisé de son droit de demander une ordonnance au titre des paragraphes (1) ou (2) et des délais dans lesquels il doit faire une telle demande », c’est-à-dire, que son procès peut se dérouler devant « un juge qui parle la langue officielle du Canada qui est celle de l’accusé ou si les circonstances le justifient, qui parle les deux langues officielles du Canada ». (par. 530(1))
[2] L’accusé n’a pas été avisé de ses droits linguistiques. L’accusé a dit à plusieurs reprises que son anglais n’était pas très bon, et que sa langue maternelle était le français. Deux témoins appelés par l’accusé ont témoigné en français. Il était évident qu’il ne comprenait pas les nuances des accusations contre lui.
[3] Dans l’arrêt de la Cour Suprême, R. c. Beaulac, [1999] 1 R.C.S. 768, [1999] J.C.S. no 25, la cour a statué au paragraphe 28 :
Le paragraphe 530(1) donne à l’accusé le droit absolu à l’accès égal aux tribunaux désignés dans la langue officielle qu’il estime être la sienne. Les tribunaux saisis d’affaires criminelles sont donc tenus d’être institutionnellement bilingues afin d’assurer l’emploi égal des deux langues officielles du Canada. À mon avis, il s’agit d’un droit substantiel, et non d’un droit procédural auquel on peut déroger.
[4] La cour a continué [au par. 54] :
Compte tenu de la nature des droits linguistiques, de l’exigence d’une égalité réelle, de l’objet de l’art. 530, décrit en l’espèce, et de l’objet de l’art. 686, je crois que la violation de l’art. 530 est un tort important et non une irrégularité de procédure. Par conséquent, l’al. 686(1)b) ne s’applique pas en l’espèce et un nouveau procès doit être ordonné.
[Le soulignement figure dans le jugement de la Cour suprême.]
[5] Dans l’arrêt R. c. Beaulac, la cour a conclu que le droit de l’accusé à un procès dans la langue officielle de son choix a été brimé. En l’espèce, l’accusé n’avait pas d’avocat, et il n’y a aucune preuve qu’il savait qu’il avait le droit à un procès en français. Le manque d’avis l’a privé de ses droits linguistiques, et la violation est aussi grave que celle décrite dans R. c. Beaulac.
[6] Le procureur de la Couronne consent à ce que l’appel soit accueilli. J’en conviens. Les condamnations pour conduite en état d’ébriété et refus d’obtempérer à l’ordre de fournir un échantillon d’haleine, la prohibition de conduire, l’amende et la période de probation imposée le 22 avril 2008 par le juge Moore sont annulés, et la cause est renvoyée pour un nouveau procès.
Appel accueilli.