Martin c. Martin

  • Dossier : C42979
  • Date : 2024

Martin c. Martin

Cour d’appel de l’Ontario, les juges Catzman, Moldaver et Armstrong, J.C.A.

11 août 2006

 Droit de la famille — Pension alimentaire — Pension alimentaire pour ex-conjoint — Une provision alimentaire de 12 500 $ par mois permettait à la femme de jouir du même niveau de vie que pendant le mariage — Le juge de première instance a ordonné au mari de lui verser une pension mensuelle de 27 000 $ compte tenu de ce que celui-ci avait régulièrement placé une grosse partie de sa rémunération dans un compte de convention de retraite — L’ordonnance du juge de première instance ne vaut pas redistribution de capital — Appel du mari rejeté. Le mari, un instructeur dans la Ligue nationale de hockey, s’était arrangé, à l’époque du mariage, s’était arrangé pour qu’une grosse part de son salaire fût versée dans un compte de convention de retraite (CR), afin d’assurer l’avenir financier de la famille quand il n’aurait plus son revenu élevé d’instructeur de la LNH. À la date du procès de première instance, il versait à sa femme une provision alimentaire de 12 500 $ par mois. Avec cette somme, celle-ci était en mesure de jouir du même niveau de vie que pendant le mariage. Le juge de première instance a ordonné au mari de payer à son ex-femme une pension mensuelle de 27 000 $, laquelle prenait en compte l’argent que celui-ci avait régulièrement placé dans le compte CR. Le mari a fait appel. Arrêt : l’appel doit être rejeté. Le mari soutient en appel que la pension alimentaire accordée constituait une redistribution de capital, ce qui est normalement interdit. Aucune question n’a été soulevée quant à l’aptitude de M. Martin à payer la pension alimentaire. L’ordonnance du juge de première instance n’opérait pas en fait redistribution de capital. Le mari avait constitué son fonds d’épargne-retraite au profit de toute la famille, y compris sa femme. Le femme était une ménagère. Le mari était souvent absent de chez lui, et c’était à sa femme qu’incombait la responsabilité d’élever les enfants et de s’occuper du ménage. Elle est devenue totalement dépendante de son mari non seulement pour les nécessités de la vie de tous les jours, mais aussi pour sa future sécurité financière. La pension ordonnée en l’espèce répond aux deux besoins.Décisions distanciées Hoar v. Hoar (1993), 62 O.A.C. 50; 45 R.F.L. (3d) 105 (C.A.);Mannarino v. Mannarino [1992] O.J. No. 2730, 43 R.F.L. (3d) 309 (C.A.); Marinangeli v. Marinangeli (2003), 66 O.R. (3d) 40; [2003] O.J. No. 2819, 228 D.L.R. (4th) 376, 174 O.A.C. 76, 38 R.F.L. (5th) 307, 123 A.C.W.S. (3d) 902 (C.A.); Willenze-Davidson v. Davidson [1997] O.J. No. 856, 98 O.A.C. 335, 69 A.C.W.S. (3d) 706 (C.A.)Décision citée Moge c. Moge, [1992] 3 R.C.S. 813, [1992] S.C.J. No. 107, 81 Man. R. (2d) 161, 99 D.L.R. (4th) 456, 145 N.R. 1, [1993] 1 W.W.R. 481, 43 R.F.L. (3d) 345Lois et règlementsLoi sur le divorce, L.C. 1986, ch. 4, art. 15.2, modifiée APPEL en matière de pension alimentaire pour ex-conjoint, formé par le mari contre le jugement du juge Power, [2004] O.J. No. 5170, 12 R.F.L. (6h) 415 (C.S.J.) H. Hunter Phillips, pour l’appelant Mary Jane Binks, c.r., et William J. Simpson, c.r., pour l’intimée Traduction du jugement de la Cour rendu par 

[1] LE JUGE ARMSTRONG, J.C.A. : — À la date du procès de première instance, l’appelant, M. Martin, versait à Mme Martin, l’intimée, une provision alimentaire 12 500 $ par mois. Avec cette somme, celle-ci était en mesure de jouir du même niveau de vie que celui qu’elle connaissait durant la vie commune avec M.Martin.

 

[2] Durant le mariage, M. Martin, un instructeur dans la Ligue nationale de hockey, s’était arrangé pour qu’une grosse partie de son salaire fût versée dans un compte de convention de retraite (CR), afin d’assurer l’avenir financier de la famille quand il n’aurait plus son revenu élevé d’instructeur de la LNH.

 

[3] En première instance, le juge Denis Power de la Cour supérieure de justice a ordonné à M. Martin de payer à son ex-femme une pension mensuelle de 27 000 $, laquelle prenait en compte l’argent que celui-ci avait régulièrement placé dans le compte CR. M. Martin fait appel de l’ordonnance alimentaire ainsi que de l’ordonnance de payer les frais et dépens en première instance, lesquels s’élevaient à 49 544,58 $. Il n’a pas fait une demande d’autorisation d’appel contre les frais et dépens alloués en première instance. Cependant, son avocat a fait savoir à l’ouverture des débats qu’il ne poursuivrait pas l’appel relatif aux frais si l’appel au sujet de la pension alimentaire était rejeté.

Les faits de la cause

[4] Les deux ex-conjoints, mariés le 1er mai 1976, se sont séparés le 1er juillet 2002. Ils ont deux enfants adultes : Angela, née le 10 septembre 1979, et Nathalee, née le 24 mars 1983.

 

[5] À l’époque du mariage, M. Martin était titulaire d’un baccalauréat ès sciences de la St. Lawrence University de l’État de New York. En août 1976, il était instructeur d’éducation physique et d’activités de loisirs et de sports au collège Algonquin d’Ottawa, avec un salaire de l’ordre de 30 000 $ à 35 000 $ par an. Il entraînait aussi des équipes de hockey junior dans la région d’Ottawa et exploitait une école de hockey en été.

 

[6] Il avait pour but de devenir entraîneur de hockey professionnel. En 1983, il était entraîneur adjoint des Petes de Peterborough dans la Ligue de hockey de l’Ontario, avec un salaire de 10 000 $ et notes de frais la première année, et de 15 000 $, la seconde. La famille, c’est-à-dire lui-même, sa femme et les deux enfants, habitait un chalet gracieusement mis à sa disposition par Roger Neilsen, un entraîneur de hockey bien connu. Pendant qu’il était entraîneur adjoint à Peterborough, M. Martin avait aussi un poste d’enseignant suppléant dans une école locale.

 

[7] Mme Martin n’avait pas de travail à l’extérieur après que la famille eut déménagé à Peterborough. Elle restait à la maison pour s’occuper des enfants et du ménage tout au long du mariage. Elle assistait aussi son mari dans l’exploitation de l’école de hockey d’été, occupation pour laquelle il lui payait une rémunération annuelle de 10 000 $ de 1996 à 2001.

 

[8] En juin 1985, M. Martin fut engagé comme entraîneur en chef par l’équipe des Platers de Guelph de la Ligue de hockey de l’Ontario, avec un salaire de 22 500 $. Il eut beaucoup de succès avec cette équipe qui a remporté, dès sa première saison d’entraîneur, la Coupe Mémorial qui est le trophée suprême de hockey en Ontario.

 

[9] En 1986, en raison de son succès aux commandes d’une équipe de hockey junior, il s’est vu offrir le poste d’entraîneur en chef des St. Louis Blues de la LNH, sous la forme d’un contrat de deux ans avec un salaire de 100 000 $ pour la première saison, et de 115 000 $ pour la seconde. Ce poste chez les St. Louis Blues marque le début d’une longue carrière d’entraîneur dans la LNH.

 

[10] Après deux ans chez les St. Louis Blues, il a été entraîneur successivement chez les Blackhawks de Chicago, les Nordiques de Québec, les Aces de Cornwall (cette équipe étant une pépinière des Nordiques de Québec) et l’Avalanche du Colorado.

 

[11] En janvier 1996, M. Martin a été engagé par les Sénateurs d’Ottawa pour le poste d’entraîneur en chef, poste qu’il a occupé jusqu’en juin 2004. Le tableau suivant représente la rémunération (à l’exclusion des primes) que M. Martin a reçue de cette équipe de 1996 à 2004, ainsi que le pourcentage qui en a été affecté au fonds de pension ou à l’épargne. Ces chiffres proviennent des mémoires déposés par les avocats respectifs de l’appelant et de l’intimée.

 

Année

Salaire de base

Pension

Total

Pourcentage de salaire sous forme de pension ou d’épargne

1996-1997

175 000 $

150 000 $

325 000 $

46,15 %

1997-1998

175 000 $

150 000 $

325 000 $

46,15 %

1998-1999

400 000 $

250 000 $

650 000 $

38,46 %

1999-2000

400 000 $

350 000 $

750 000 $

46,67 %

2000-2001

450 000 $

400 000 $

850 000 $

47,06 %

2001-2002

350 000 $

1 000 000 $

1 350 000 $

74,07 %

2002-2003

350 000 $

1 150 000 $

1 500 000 $

76,67 %

2003-2004

350 000 $

1 150 000 $

1 500 000 $

76,67 %

[12] Dans les motifs de son jugement, paragraphe 50, le juge de première instance a fait état du témoignage de M. Martin sur la raison pour laquelle il a placé tant d’argent dans son compte CR :

[TRADUCTION]

 

Son avocat lui ayant demandé pourquoi il avait décidé de mettre tant d’argent dans son compte d’épargne-retraite, M. Martin a répondu qu’il y avait deux raisons :

a) Cela lui permettait de réaliser des économies d’impôt; et

b) Il avait un emploi très instable. Il avait mis sept ans à trouver un autre poste d’entraîneur en chef après son renvoi de l’équipe de St. Louis, et cette épargne était importante pour la famille car elle lui permettrait de vivre dans l’aisance à l’avenir.

[13] Le juge de première instance a encore noté, au paragraphe 22 des motifs de son jugement, ce témoignage de Mme Martin sur les habitudes d’épargne du couple :

[TRADUCTION]

Mme Martin a témoigné qu’à Ellisville (St. Louis), « nous vivions dans l’aisance – nous faisions des économies – nous ne dépensions pas excessivement – nous vivions bien ». L’épargne est devenue une réalité de la vie pour le ménage Martin.

[14] Après avoir perdu son emploi d’entraîneur en chef des Sénateurs d’Ottawa à la fin de la saison 2003-2004, il a été engagé comme entraîneur en chef chez les Panthers de la Floride par un contrat de cinq ans qui prévoyait un salaire de base en dollars américains comme suit :

2004 – 2005

1 000 000 $

2005 – 2006

1 000 000 $

2006 – 2007

1 200 000 $

2007 – 2008

1 200 000 $

2008 – 2009

1 200 000 $

 

 

[15] Le contrat avec les Panthers était négocié dans la perspective d’une interruption de travail, qui s’est effectivement produite à la suite du lock-out décrété par les propriétaires à l’automne 2004. Le contrat de M.Martin prévoyait qu’en cas d’interruption de travail, son salaire de base serait réduit de 50 p. 100 jusqu’à la signature d’une nouvelle convention collective.

 

[16] Au sujet des projets d’épargne à venir de M. Martin, le juge de première instance a noté ce qui suit au paragraphe 61 des motifs de son jugement :

[TRADUCTION]

Durant son témoignage, M. Martin, interrogé au sujet de ses projets d’épargne à venir, a répondu qu’il essayerait de maintenir le pourcentage d’épargne réalisé jusque là. Il pourrait perdre son travail à tout moment, dit-il, et il voulait mettre de l’argent de côté pour l’avenir. Il a aussi fait savoir qu’il aimerait être un entraîneur dans la LNH jusqu’à l’âge de 60 ans.

[17] Le principal point à trancher en première instance était le quantum de la pension pour l’ex-conjointe. Mme Martin devait recevoir 1 700 000 $, c’est-à-dire sa part dans la communauté à la suite d’un règlement à l’amiable à la veille du procès. Il ressort des témoignages rendus au procès que lorsqu’elle reçoit le plein montant de sa récompense, elle aurait un revenu de placement (calculé au taux de 5,5 %) de 81 472,58 $ par an. Le même calcul au taux de 5,5 % donnerait un revenu de placement de 182 476.43 $ pour M. Martin.

 

[18] Comme noté supra, Mme Martin recevait une provision alimentaire de 12 500 $ par mois. Le juge de première a noté ce qui suit au paragraphe 29 des motifs de son jugement :

[TRADUCTION]

Elle a également reconnu que son niveau de vie actuel, après la séparation, n’est pas du tout inférieur à ce qu’il était auparavant.

Le jugement de première instance

[19] En se prononçant sur la question de la pension alimentaire, le juge de première instance a examiné s’il fallait prendre en compte les économies qui pendant nombre d’années, avaient été un élément de la planification financière des Martin.

 

[20] Il a pris de longs motifs de jugement. Après l’articulation détaillée des faits de la cause, il a examiné l’application des dispositions relatives à la pension alimentaire pour ex-conjoint, prévues à l’article 15.2 de la Loi sur le divorce (Canada), L.C. 1986, ch. 4.

 

[21] Il a aussi fait la recension de la jurisprudence en la matière, en s’arrêtant particulièrement à l’arrêt Moge c. Moge, [1992] 3 R.C.S. 813, [1992] S.C.J. No. 107, à la lumière duquel il a conclu que les économies en question étaient un facteur à prendre en compte dans la décision sur l’obligation alimentaire. Il a noté ce qui suit au paragraphe 150 des motifs de sa décision :

 

[TRADUCTION]

 

Au paragraphe [74] [en réalité au paragraphe 73] de l’arrêtMoge, Mme le juge L’Heureux-Dubé a fait l’observation suivante :

… Dans la mesure où le permettent les circonstances économiques, la Loi vise à rétablir le plus possible, pour ce qu’il reste de la famille, la situation qui existait avant la rupture du mariage …

En l’espèce, le mode de vie du ménage avant la rupture du mariage était une combinaison de dépenses et d’économies pour l’avenir, manifestement au bénéfice de l’un et l’autre conjoints. Il s’ensuit que pour examiner si Mme Martin jouit d’un niveau de vie égal, inférieur ou supérieur après la séparation, on ne saurait exclure l’élément économies de l’équation.

[22] Il a conclu en ces termes aux alinéas 171k) et p) :

[TRADUCTION]

 

k) Bien que les habitudes d’épargne actuelles de M. Martin soient dans le droit fil des habitudes observées durant la vie commune, il ne serait ni équitable ni raisonnable de déduire de son revenu brut le montant de ces économies pour juger s’il est en mesure de payer la pension alimentaire et quel devrait être le quantum de cette pension. Avant la séparation, les épargnes étaient faites au profit de l’un et l’autre conjoints, et elles représentaient une composante substantielle de leur niveau de vie. Il s’ensuit que Mme Martin doit recevoir maintenant une pension qui lui permette d’être maîtresse de ses propres épargnes, en ce sens que le montant de cette pension doit être à même de promouvoir l’autonomie financière de l’un et l’autre ex-conjoints, et non pas de M. Martin seul.

p) Bien que l’actuel contrat de travail de M. Martin paraisse suffisamment stable, il semble raisonnable de présumer que, en sa qualité d’entraîneur sportif professionnel, il y a toujours une bonne raison de penser qu’il a une occupation marquée par l’incertitude. En conséquence, l’une et l’autre parties ont besoin d’adopter une politique d’épargne pour l’avenir vu qu’elles n’ont aucun fonds de pension substantiel en place. Il s’ensuit que les besoins courants de Mme Martin ne sont qu’un des facteurs à prendre en considération pour la fixation du quantum de la pension.

 

[23] Par suite, le juge de première instance a ordonné à M. Martin de payer à son ex-conjointe une pension mensuelle de 12 500 $ pour la période correspondant au lock-out de la LNH, et 27 000 $ par mois une fois le lock-out terminé.

L’appel

[24] L’avocat de M. Martin soutient qu’en première instance, il s’agissait de savoir au premier chef si le montant de la pension devait être fonction des besoins tels qu’ils participaient du niveau de vie habituel durant le mariage ou si Mme Martin avait droit à un montant additionnel en sus des besoins, à titre de récompense. L’essentiel de son argument est que Mme Martin s’est vu accorder une pension qui représentait plus que le double des besoins dont elle a fait état dans son témoignage. Il fait observer qu’une somme de 27 000 $ par mois dépasse de 12 000 $ ce que Mme Martin indiquait dans son état financier et de 14 500 $ la provision alimentaire que M. Martin lui versait avant le procès.

 

[25] Il soutient encore que la pension accordée en l’espèce vaut redistribution de capital de M. Martin, redistribution dont la Cour de céans a jugé qu’elle était une pratique interdite. DansMarinangeli v. Marinangeli (2003), 66 O.R. (3d) 40; [2003] O.J. No. 2819, 38 R.F.L. (5th) 307 (C.A.), notre Cour a conclu en ces termes au paragraphe 74 :

Pour juger des besoins, le juge doit se guider sur le principe posant que la créancière d’aliments a droit à la pension qui lui permette de maintenir le niveau de vie auquel elle était habituée à la date de la séparation. En outre, il a été jugé qu’elle a droit à l’amélioration éventuelle de ce niveau de vie telle qu’elle aurait pu se produire durant la vie commune normale; voir MacDougall v. MacDougall (1973), 11 R.F.L. 266, [1973] O.J. No. 618 (QL) (H.C.J.), jugement rendu par le juge Henry. Voir aussi Linton v. Linton (1990), 1 O.R. (3d) 1, 75 D.L.R. (4t) 637 (C.A.). Cependant, il doit se garder de redistribuer le capital du débiteur d’aliments sous couvert de pension alimentaire.

À l’appui de son argument, l’avocat de l’appelant cite aussiMannarino v. Mannarino [1992] O.J. No. 2730, 43 R.F.L. (3d) 309 (C.A.); Willenze-Davidson v. Davidson [1997] O.J. No. 856, 98 O.A.C. 335 (C.A.); et Hoar v. Hoar (1993), 62 O.A.C. 50; 45 R.F.L. (3d) 105 (C.A.). Toutes ces trois décisions rappellent la mise en garde contre l’allocation de sommes forfaitaires opérant redistribution de capital. Dans la cause Hoar, la Cour a aussi critiqué le recours à une ordonnance de pension alimentaire rétroactive pour enfants comme moyen de redistribution du capital.

 

[26] Chacune des causes susmentionnées peut être distanciée de l’affaire en instance. L’avocat de M. Martin fait observer qu’il n’y a dans les recueils de jurisprudence aucune décision qui accorde une somme substantielle au-dessus de ce dont a besoin la créancière d’aliments.

 

[27] Malgré l’argumentation éloquente de l’avocat de M. Martin, je ne suis pas persuadé que l’ordonnance alimentaire rendue par le juge de première instance opère redistribution de capital. La somme allouée est certainement très élevée. Cependant, il est devenu visible au fil des débats que nous ne sommes appelés à intervenir sous aucun autre chef que la prétention que le juge de première instance s’est livré à une redistribution interdite du capital. S’il ne l’avait pas fait, son ordonnance ne serait pas remise en question. Aucune question n’a été soulevée quant à l’aptitude de M. Martin à payer la pension alimentaire.

 

[28] Comme noté supra, cette affaire est unique en son genre. M. Martin a pris la décision de placer de grosses sommes d’argent dans un régime d’épargne-retraite pour s’assurer contre le haut degré d’insécurité qui caractérise la carrière d’un entraîneur de hockey professionnel. Il a constitué son régime d’épargne personnelle au profit de la famille, y compris sa femme. Selon son témoignage, ce régime d’épargne personnelle était important pour sa famille en ce qu’elle lui permettrait de vivre dans l’aisance à l’avenir, et que l’épargne est devenue une réalité de la vie dans son ménage.

 

[29] Mme Martin était une ménagère. Vu la fréquence des déplacements que devait faire M. Martin, il était souvent absent de chez lui. C’était à sa femme qu’incombait la responsabilité d’élever les enfants et de s’occuper du ménage. La famille a déménagé neuf fois en l’espace de 13 ans, et c’étaient Mme Martin et les enfants qui devaient s’adapter chaque fois à la vie au sein d’une communauté différente. Rien ne permet de dire que M. Martin n’était pas un père affectueux et responsable, mais son aptitude à participer à la vie des enfants était manifestement plus limitée que celle de Mme Martin.

 

[30] Dans ces circonstances, celle-ci est devenue totalement dépendante de son mari non seulement pour les nécessités de la vie de tous les jours, mais aussi pour sa future sécurité financière. Elle reconnaît qu’elle n’a pas besoin de chercher du travail à l’extérieur. Elle a toujours besoin des nécessités de la vie de tous les jours et elle a toujours besoin d’une sécurité financière. À mon avis, la pension ordonnée en l’espèce répond aux deux besoins.

Décision

[31] Par ces motifs, l’appel est rejeté. L’appel formé contre l’allocation des frais et dépens est également rejeté à titre d’appel abandonné.

 

[32] Sur consentement des avocats respectifs des parties, la Cour alloue à Mme Martin les frais et dépens fixés à 25 000 $, débours et TPS y compris.

 

Appel rejeté