C33086
COUR D’APPEL DE L’ONTARIO
Les juges d’appel CARTHY, GOUDGE et O’CONNOR.
ENTRE :
SKYEPHARMA PLC
Demanderesse
– et –
HYAL PHARMACEUTICAL CORPORATION
Défenderesse
)
)) James W.E. Doris) pour Skyepharma PLC)) Alan H. Mark) pour Bioglan Pharma PLC) appelante/intimée dans la motion) ) Joseph M. Steiner et
) Steven G. Golick
) pour Price Waterhouse Coopers Inc.,
) le séquestre nommé par le tribunal
) auprès de Hyal Pharmaceutical
) Corporation,
) Intimée/auteure de la motion))) Audience : le 21 décembre 1999
Faillite – Séquestre – Vente des actifs – Demande d’annulation formulée par une acquéresse éventuelle que la vente avait déçue – Appel de l’ordonnance ayant approuvé la vente – Motion en annulation de l’appel – Intérêt propriétal en common law
En appel d’une ordonnance du juge Farley datée du 24 octobre 1999.
Le juge O’Connor, de la Cour d’appel :
[1] Nous sommes saisis d’une motion en annulation d’appel. L’appel visé se rapporte à une ordonnance du 24 octobre 1999 du juge Farley. Par cette ordonnance, le juge Farley a approuvé la vente des actifs de Hyal Pharmaceutical Corporation à Skyepharma PLC. Le vendeur de ces actifs était le séquestre nommé auprès de Hyal par le tribunal. L’auteur de l’appel est Bioglan Pharma PLC, une société qui était disposée à acquérir ces actifs et que la vente avait déçue. Bioglan Pharma PLC demandait d’annuler l’ordonnance qui avait approuvé la vente et d’ordonner la tenue d’un nouveau processus de vente.
[2] Le séquestre demande que l’appel soit annulé au motif que Bioglan est une acquéresse éventuelle et que, en cette qualité, elle ne détenait aucun droit dont l’ordonnance approbatrice eût décidé de façon définitive. Dans une telle situation, prétend le séquestre, le présent tribunal n’a pas compétence pour entendre l’appel.
LES FAITS
[3] Skyepharma est la plus importante créancière de Hyal. Par motion, elle a demandé que Pricewaterhouse Coopers Inc. soit nommée séquestre et gestionnaire de tous les actifs de Hyal. Le 16 août 1999, le juge Molloy a accordé une telle ordonnance. Celle-ci autorise notamment le séquestre à prendre les mesures nécessaires pour liquider et réaliser les actifs; pour vendre les actifs (avec l’autorisation du tribunal, en ce qui concerne les transactions de plus de 100 000 $); et pour conserver le produit de toute vente, tant que le tribunal n’en a pas ordonné autrement.
[4] Le 26 août 1999, le juge Cameron a rendu une ordonnance approuvant le processus proposé par le séquestre pour solliciter, recevoir et examiner des manifestations d’intérêt et des offres d’achat relativement aux actifs d’Hyal.
[5] Le 27 septembre 1999, le séquestre a comparu devant le tribunal et lui a présenté un rapport sur le processus de vente et ses résultats. Le séquestre a demandé au tribunal d’approuver l’engagement de négociations exclusives avec deux soumissionnaires, Skyepharma et Cangene Corporation. Indiquant qu’il avait également reçu une offre de Bioglan, le séquestre a justifié son choix de Skyepharma et Cangene, en expliquant pourquoi, à son avis, et selon toute vraisemblance, des négociations avec ces deux sociétés étaient les plus aptes à mener à la réalisation la plus avantageuse.
[6] Dans son rapport, le séquestre souligne l’importance de tenter de finaliser la vente des actifs rapidement. L’intérêt et les dommages-intérêts sur les dettes garantie et non garantie de Hyal s’accroissaient d’environ 70 000 $ par semaine. De plus, des honoraires professionnels et des frais d’exploitation s’ajoutaient à la dette globale de la compagnie.
[7] Le 28 septembre 1999, le juge Farley a ordonné que le séquestre négocie exclusivement avec Skyepharma et Cangene, jusqu’au 6 octobre. Le séquestre devait tenter de conclure une transaction qui lui fût acceptable et qui réalisât la valeur supérieure inhérente aux offres déposées par Skyepharma et Cangene[1]. Le tribunal a ajouté qu’aucune partie ne serait autorisée à rétracter, retirer, modifier ni annuler une offre avant le 29 octobre 1999; et que si le séquestre n’était pas en mesure de conclure une entente avec Skyepharma ou Cangene, il pourrait, à sa discrétion, négocier avec d’autres parties.
[8] Le 13 octobre, le séquestre s’est adressé au tribunal et lui a rapporté les résultats de ses négociations avec Skyepharma et Cangene. Les parties avaient été incapables de structurer une transaction tirant avantage des positions de Hyal en matière de pertes fiscales. Le séquestre recommandait néanmoins l’approbation d’une entente qui prévoirait la vente des actifs de Hyal à Skyepharma. Dans son rapport, le séquestre a souligné que, sans nécessairement maximiser la réalisation des actifs, l’entente réduirait, d’une part, le risque de non-conclusion d’une vente et, d’autre part, le risque relié à l’augmentation des dettes jusqu’à la conclusion d’une vente. Selon le séquestre, il s’agissait de risques non négligeables, qu’auraient suscités les dispositions et les échéanciers stipulés par d’autres offres.
[9] Au moment où le séquestre a déposé son rapport, il a également formulé une motion pour obtenir l’approbation de l’entente arrêtée avec Skyepharma. Cette motion a été entendue par le juge Farley le 20 octobre 1999. Les avocats de Skyepharma, de Cangene et de Bioglan ont comparu et ont été autorisés à présenter des arguments. Skyepharma, qui était à la fois créancière de Hyal et acquéresse dans l’entente nécessitant une approbation, appuyait la motion. Cangene et Bioglan, qui, en plus d’avoir tenté en vain d’acheter les actifs, étaient créancières de la compagnie, ont contesté la motion.
[10] De toute évidence, lorsque le juge des motions a entendu Cangene et de Bioglan, il l’a fait en raison de leur qualité de créancières de Hyal, non parce qu’elles étaient des soumissionnaires non retenues par rapport aux actifs à vendre. Dans son approbation, qu’il a prononcée le 24 octobre, le juge des motions a affirmé ce qui suit :
[TRADUCTION]
Lorsqu’un séquestre présente une motion en approbation de la vente à un autre candidat, les soumissionnaires non retenus n’ont pas qualité pour contester cette motion. Ces soumissionnaires n’ont aucun droit légal ni propriétal puisque, techniquement, ils ne sont pas touchés par l’ordonnance. Ils n’ont aucun intérêt dans la question, fondamentale, consistant à savoir si l’approbation du tribunal est dans l’intérêt supérieur des parties qui sont directement intéressées.
Le juge des requêtes a poursuivi en affirmant qu’il allait [TRADUCTION] « tenir compte des objections de Bioglan et de Cangene puisqu’elles se sont faufilées dans la motion en approbation. » Dans la mesure où il s’applique à Bioglan, ce commentaire se rapporte apparemment au fait que Bioglan n’est devenue créancière qu’une fois le séquestre nommé, et encore, uniquement en acquérant une petite créance, au montant de 40 000 $, contre Hyal.
[11] Le juge des motions a approuvé le contrat prévoyant la vente des actifs à Skyepharma. Dans son approbation, il a noté que les actifs en cause étaient [TRADUCTION] « inhabituels » et que le processus applicable a leur vente était complexe. Il a accordé une grande importance à la recommandation du séquestre, soulignant que le séquestre détenait l’expertise pour traiter de questions de cette nature. Le juge des motions a noté que la préoccupation première du séquestre était de protéger les intérêts des créanciers de Hyal. Le juge a reconnu que les offres comportant des dispositions conditionnelles étaient susceptibles d’entraîner des retards et de l’incertitude et qu’il était avantageux de se soustraire à de tels risques. Le caractère certain de l’entente avec Skyepharma et le fait qu’elle arrive à point nommé ont joué un rôle très important, tant en ce qui concerne la recommandation du séquestre visant à faire approuver l’entente qu’en ce qui concerne les motifs prononcés par le tribunal dans ce sens.
[12] Le juge des motions a affirmé que, [TRADUCTION] « à première vue », le séquestre semblait s’être conduit de façon appropriée au long du processus de vente. Le juge a examiné les plaintes particulières de Cangene et Bioglan et a conclu que, bien que le processus n’eût pas été parfait (je paraphrase), rien n’empêchait d’approuver la vente à Skyepharma.
[13] Par des avocats au dossier, le présent tribunal a appris que la vente avait été conclue dès après le prononcé de l’ordonnance qui l’approuvait.
[14] Bioglan a déposé un avis d’appel. Elle sollicite l’annulation de l’ordonnance d’approbation. Elle demande aussi à notre tribunal d’ordonner que les actifs de Hyal fassent l’objet d’une vente judiciaire supervisée par le tribunal ou, subsidiairement, que le séquestre soit requis de relancer l’appel d’offres relatif à la vente. L’avis d’appel n’énonce pas de motifs d’appel précis. Il affirme uniquement que le juge des motions a commis une erreur en approuvant le contrat de vente.
[15] Dans sa plaidoirie, l’avocat de Bioglan affirme qu’il y a deux motifs d’appel. Premièrement, le séquestre aurait mal interprété l’ordonnance du 28 septembre 1999 et il aurait dû négocier plus avant avec les soumissionnaires non exclusifs, y compris Bioglan, après avoir échoué à structurer une transaction en fonction des avantages fiscaux reliés à la position de Hyal en matière de pertes fiscales. Deuxièmement, le juge des motions a commis une erreur en concluant que Bioglan avait eu pleinement la possibilité de participer au processus et qu’elle avait provoqué elle-même son infortune en pratiquant une [TRADUCTION] « stratégie de sous-estimation abusive ».
ANALYSE
[16] Par motion, le séquestre demande l’annulation de l’appel au motif que le présent tribunal n’est pas compétent à l’entendre.
[17] En vertu de l’alinéa 6(1)b) de la Loi sur les tribunaux judiciaires, les ordonnances définitives des juges de la Cour supérieure de justice peuvent être portées en appel devant notre Cour. Une ordonnance définitive en est une qui décide des droits des parties de façon définitive : Halbert c. Netherlands Investment Company, [1945] S.C.R. 329.
[18] Dans la présente motion, nous devons décider si Bioglan détenait un droit dont l’ordonnance d’approbation de la vente a décidé de façon définitive. Bioglan soutient qu’elle a acquis un tel droit de quatre façons distinctes. La première est d’application générale. Elle vaudrait pour tous les acheteurs potentiels ayant soumissionné, sans succès, dans une vente supervisée par le tribunal. Les trois autres modes d’acquisition découlent des circonstances spécifiques de la présente affaire.
[19] Bioglan soutient tout d’abord que, en déposant une offre d’achat des actifs d’Hyal, elle a acquis le droit de devenir partie à la motion en approbation de la vente et de s’opposer au prononcé de l’ordonnance sollicitée par le séquestre. Selon Bioglan, l’ordonnance d’approbation de la vente à Skyepharma a décidé de ce droit de façon définitive.
[20] Le juge Anderson a été appelé à se prononcer sur une question similaire dans Crown Trust v. Rosenberg (1986), 60 O.R. (2d) 87, 22 C.P.C. (2d) 131, 67 C.B.R. (N.S.) 320 (note), 39 D.L.R. (4th) 526 (H.C.J.). Dans cette affaire, un séquestre avait déposé une motion en approbation de la vente de certaines propriétés. Larco Enterprises était une acquéresse éventuelle de ces propriétés et elle avait fait une offre sur celles-ci. Or le séquestre n’avait pas recommandé l’approbation de cette offre dans sa motion. Lors de la présentation de la motion, Larco Enterprises a manifesté son intention d’intervenir à titre de partie jointe sous le régime de la règle 13.01 des Règles de procédure civile. À cette époque, le passage pertinent de cette règle présentait l’aspect suivant :
[TRADUCTION]
13.01 (1) Si une personne qui n’est pas partie à une instance prétend,
a) avoir un intérêt dans ce qui fait l’objet de l’instance,
b) qu’elle risque d’être lésée par le jugement,
…
elle peut demander, par voie de motion, l’autorisation d’intervenir en qualité de partie jointe.[2]
[21] Le juge Anderson a conclu que, à la règle 13.01, le terme « proceeding » ([TRADUCTION] « instance ») ne désignait qu’une action ou une requête. La motion en approbation de vente du séquestre n’était ni l’une ni l’autre. En conséquence, la motion de Larco a été rejetée. Poursuivant toutefois son analyse, le juge a conclu que, même si l’instance devait être considérée comme assujettie à la règle, Larco ne satisfaisait pas au critère de celle ci. Selon le juge, Larco n’avait pas d’intérêt dans l’objet de la motion en approbation de la vente, et elle ne détenait aucun droit légal ou propriétal auquel l’ordonnance d’approbation de la vente portât atteinte.
[22] Je souscris tant au raisonnement qu’à la conclusion du juge Anderson. À la page 118, le juge affirme ce qui suit :
[TRADUCTION]
Pour décider de la motion en approbation des ventes de Clarkson, le tribunal doit essentiellement se demander si l’approbation sollicitée sert l’intérêt supérieur des parties à l’action. Et pour qu’il en soit ainsi, il faut que les ventes envisagées soient les plus avantageuses pour les parties. Au regard de cette question fondamentale, Largo ne détient aucun intérêt. Son seul intérêt consiste à chercher à faire accepter son offre, avec tous les avantages qui découleraient d’une telle acceptation. Cet intérêt est purement accessoire et collatéral en ce qui a trait à la question centrale soulevée par la motion principale. À mon sens, un tel intérêt ne saurait justifier l’exercice de la discrétion qu’autorise la règle.
À mon sens, Larco ne peut pas non plus invoquer avec succès l’alinéa 13.01(1)b) des Règles, une disposition soulevant la question de la lésion par le jugement. Aux fins de la présente analyse, je laisse de côté les difficultés techniques soulevées par le vocable « judgment » ([TRADUCTION] « jugement »). Selon moi, Larco ne sera pas lésée dans quelque droit légal ou propriétal. Elle ne détient pas de droits auxquels il puisse être porté atteinte. Si une ordonnance approuve les ventes conformément à la recommandation, Larco ne perdra, tout au plus, qu’un avantage économique potentiel.
[23] La Cour suprême de la Colombie-Britannique est parvenue à une conclusion similaire dans British Columbia Development Corporation v. Spun Cast Industries Limited et al. (1977), 26 C.B.R. (N.S.) 28 (C.S.C.-B.). Une action en forclusion s’y trouvait intentée par un obligataire, et le séquestre a demandé, par motion, une ordonnance approuvant la vente d’actifs. Un regroupement de compagnies, le groupe Shaw, avait déposé une offre et demandé d’être joint comme partie à l’instance. Aux fins de cette demande, je groupe Shaw se fondait sur une règle qui autorisait la Cour à joindre comme partie toute personne [TRADUCTION] « dont la participation à l’instance est nécessaire pour assurer que toutes les questions soulevées dans le cadre de l’instance pourront être tranchées efficacement… ». Le juge Berger a rejeté la motion. À la page 30, il affirme ce qui suit :
[TRADUCTION]
Le groupe de compagnies Shaw n’a aucun intérêt légal dans le présent litige. Il y a un intérêt commercial mais, à mon avis, cet intérêt n’est pas suffisant pour le situer dans le champ d’application de la règle. Sa seule offre d’achat des actifs de la compagnie ne lui confère pas le droit d’être joint comme partie. Rien dans Gurtner v. Circuit [passage omis] ne va aussi loin. Aucune ordonnance reliée à la présente action ne produira quelque responsabilité juridique que ce soit pour le groupe Shaw, et aucune réclamation ne pourra être faite contre ce groupe sur le fondement d’une telle ordonnance.
[24] Les questions étudiées dans ces causes ne sont pas identiques à celles de l’espèce. Par contre, le raisonnement qui y est tenu s’applique à la question soulevée dans le présent appel : si le soumissionnaire non retenu n’acquiert pas d’intérêt susceptible de justifier sa jonction comme partie à une motion en approbation d’une vente, ce même soumissionnaire ne saurait avoir de droit qui ait été déterminé de façon définitive dans l’ordonnance rendue sur la motion.
[25] L’acquéreur éventuel non retenu n’a effectivement pas de droit ni d’intérêt auquel une ordonnance en approbation de vente porte atteinte. Deux raisons principales commandent une telle conclusion. Premièrement, un acquéreur éventuel n’a pas de droit légal ou propriétal sur le bien qui est vendu. Si l’on examine le processus régissant la présentation des offres, l’on n’y trouve pas de disposition portant qu’une offre particulière doit être acceptée. Il n’est pas exceptionnel qu’un séquestre détienne un pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait aux acceptations d’offres et à la formulation de recommandations d’approbation au tribunal. Les ordonnances de nomination de séquestres leur accordent couramment de tels pouvoirs. Les obligations du séquestre et du tribunal visent à assurer que les ventes sont dans l’intérêt supérieur de ceux qui détiennent un intérêt dans le produit de la vente. Celui qui dépose une offre n’a pas droit à ce qu’elle soit acceptée par le séquestre ou par le tribunal, ce, alors même que son offre serait la plus élevée : Crown Trust v. Rosenberg, précité.
[26] En outre, la motion en approbation de la vente vise principalement à faire prendre en considération l’intérêt supérieur des parties qui détiennent un intérêt direct dans le produit de la vente, soit, principalement, les créanciers. L’acquéreur éventuel non retenu n’a aucun intérêt quant à cette question. Effectivement, si ces auteurs d’offres rejetées étaient impliqués dans le processus, celui-ci risquerait d’être gravement détourné de son but fondamental : la motion s’encombrerait d’autres questions, et de possibilités de retards et de dépenses additionnelles.
[27] Tout en énonçant les commentaires qui précèdent, je reconnais que, lorsqu’un tribunal statue sur une motion en approbation d’une vente, il doit examiner l’ensemble du processus par lequel les offres ont été obtenues et vérifier si la mise en oeuvre de ce processus a donné lieu à une injustice : Crown Trust v. Rosenberg, précité ; Royal Bank of Canada v. Soundair Corp., (1991), 4 O.R. (3d) 1 (C.A.). Dans des circonstances normales, l’examen du processus de vente se concentre sur son intégrité, et l’optique dans laquelle cet examen est pratiqué est celle des intéressés au profit desquels il a été mené. L’enquête sur l’intégrité du processus peut se pencher accessoirement sur l’équité du processus pour des acquéreurs éventuels; mais cette possibilité ne confère pas, en soi, un droit ou un intérêt à un acquéreur éventuel qui est touché par une ordonnance approuvant une vente.
[28] Dans Soundair, l’aspirant acquéreur rejeté était partie à l’instance, et le tribunal a vérifié l’équité du processus de vente de son point de vue. Toutefois, je ne crois pas que la décision dans cette affaire contredise la position que j’ai énoncée précédemment, et ce, pour deux raisons. Premièrement, le tribunal ne s’est pas demandé précisément si l’acquéreur éventuel détenait un droit légal ou un intérêt juridique. En effet, lorsqu’il a décrit les principes généraux qui régissent une motion en approbation de vente, le juge d’appel Galligan – qui parlait au nom de la majorité – a adopté l’approche énoncée dans Crown Trust v. Rosenberg. Sous la rubrique « Consideration of the interests of all the parties » ([TRADUCTION] « Évaluation des intérêts de toutes les parties »), le juge a mentionné les intérêts des créanciers, du débiteur et d’un acquéreur qui avait négocié une entente avec le séquestre. Il n’a pas mentionné les intérêts des acquéreurs éventuels dont les offres n’avaient pas été retenues. Deuxièmement, les faits dans Soundairétaient inhabituels. Le soumissionnaire non retenu était une compagnie dans laquelle Air Canada détenait un intérêt substantiel. L’ordonnance nommant le séquestre lui ordonnait expressément [TRADUCTION] « de faire tout ce qui est nécessaire ou souhaitable pour conclure une vente avec Air Canada » et, faute de conclure une telle vente, de vendre à une autre entité. Cette disposition de l’ordonnance de la Cour a pu investir Air Canada d’un intérêt qui fût susceptible d’être touché par l’ordonnance d’approbation de la vente et qui lui ait octroyé le droit d’être partie aux procédures se rapportant à une telle approbation. Une telle thèse est plaidable.
[29] Dans certaines situations bien circonscrites, un acquéreur éventuel pourrait obtenir le droit d’être partie à une motion en approbation d’une vente. Pour qu’il en soit ainsi, il faut démontrer que les éléments caractérisant un processus de vente ont conféré un droit légal ou un intérêt juridique à l’acquéreur éventuel et que, en raison de la nature de l’intérêt ou du droit visé, l’ordonnance d’approbation risque d’y porter atteinte. Un intérêt commercial ne suffit pas..
[30] Il existe une considération de principe valable pour limiter, dans toute la mesure du possible, l’implication d’acquéreurs éventuels dans les motions en approbation de vente. Il y a souvent une certaine urgence à conclure les ventes approuvées par la Cour. La présente affaire constitue un bon exemple à cet égard. Lorsque des acquéreurs non retenus sont impliqués dans le processus, les délais risquent de s’allonger et l’incertitude, de grandir. Dans certaines circonstances, ces risques conféreront un certain pouvoir, sur le plan commercial, à un acquéreur éventuel déçu; et un tel facteur pourra jouer contre l’intérêt supérieur des parties au profit desquelles est tenue la vente.
[31] Bioglan soutient donc que, à elle seule, la qualité d’acquéreur éventuel confère un droit ou un intérêt plus large que ne le voudrait ma description ci-dessus. À l’appui de cette assertion, Bioglan met de l’avant la décision de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse dans Cameron v. Bank of Nova Scotia (1981), 38 C.B.R. (N.S.) 1, 45 N.S.R. (2d) 303, 86 A.P.R. 303 (C.A.). Dans cette affaire, le séquestre avait fait un appel d’offres concernant des terrains du débiteur, et trois offres lui étaient parvenues. Acceptant l’offre de Cameron, le séquestre avait inséré, au contrat de vente, une clause exigeant l’approbation du tribunal. Une demande d’approbation de la vente a été présentée et Treby, un soumissionnaire non retenu, a été joint à l’instance à titre d’intervenant. Treby a contesté l’approbation, plaidant qu’il avait été induit en erreur et amené à croire qu’il aurait une autre occasion de soumissionner sur la propriété. Le tribunal a autorisé les trois soumissionnaires à présenter une offre supplémentaire par soumission scellée. Cameron a interjeté appel de cet ordre du tribunal. Le processus de soumission s’est déroulé. Treby et le troisième soumissionnaire ont déposé des soumissions; Cameron ne l’a pas fait. Le séquestre a accepté l’offre de Treby et le tribunal a approuvé cette vente. Cameron a également interjeté appel de cette ordonnance, et les deux appels de Cameron ont été entendus en même temps. Le juge d’appel Hart a jugé que tant Cameron que Treby avaient le droit de comparaître à l’audience originale. Ce droit découlait du fait qu’elles étaient toutes les deux directement touchées par la décision du tribunal. Le juge a conclu que tant la première décision, celle qui avait relancé le processus de soumission, que la seconde, l’ordonnance qui avait approuvé la vente à Treby, étaient de nature définitive. Selon le juge, toutes deux équivalaient à une détermination définitive des droits de Cameron et Treby. Le juge n’a pas spécifié précisément les « rights » ([TRADUCTION] « droits ») faisant l’objet de son propos. Eu égard aux faits de la cause, je ne suis pas certain si Cameron appuie la thèse défendue par Bioglan, à savoir que, sans qu’un autre facteur n’intervienne, l’acquéreur éventuel non retenu détient un droit qui est déterminé de façon définitive par l’ordonnance d’approbation d’une vente. Dans l’affirmative, avec déférence, je suis en désaccord avec cette thèse.
[32] Par conséquent, je conclus que, en présentant une offre d’achat relativement aux actifs d’Hyal, Bioglan n’a pas automatiquement acquis un droit ou un intérêt qui ait été touché par l’ordonnance d’approbation de la vente. Bioglan n’avait pas le droit d’être partie à la motion sur cette base et elle n’a pas non plus le droit d’interjeter le présent appel sur cette base.
[33] Bioglan présente des prétentions subsidiaires fondées sur trois circonstances de la présente affaire. Selon Bioglan, chacune de ces circonstances lui confère – de façon quelque peu différente, il est vrai – le droit d’interjeter appel de l’ordonnance d’approbation de la vente devant le présent tribunal. Comme premier argument, Bioglan soutient qu’elle a acquis le droit nécessaire en vertu de la disposition de l’ordonnance du 28 septembre qui portait [TRADUCTION] « [qu]’aucune partie ne sera autorisée à rétracter, retirer, modifier ou annuler une offre avant le 29 octobre 1999 ».
[34] Selon le libellé de l’offre de Bioglan, cette offre devait expirer le 4 octobre. Bioglan soutient que l’ordonnance du 28 septembre lui a imposé une obligation de maintenir cette offre jusqu’au 29 octobre. Bioglan soutient qu’elle a ainsi acquis un droit de comparaître et de contester la motion en approbation de la vente.
[35] Je ne souscris pas à cet argument. Le sens habituel des termes de l’ordonnance n’exigeait pas que Bioglan prolonge son offre en suspens. L’ordonnance n’a fait rien de plus que d’empêcher les parties de prendre des mesures pour soit modifier soit retirer leurs offres avant le 29 octobre. Selon son libellé, l’offre de Bioglan devait expirer le 4 octobre. L’ordonnance du 28 septembre n’a pas changé la date d’expiration de l’offre.
[36] Supposons à présent que, en interprétant le libellé de l’ordonnance du 28 septembre, l’on vient à la conclusion qu’une offre existante ne peut expirer ainsi que le prévoient ses stipulations. Dans une telle hypothèse, le résultat est le même. Bioglan a présenté son offre au séquestre sous le régime de stipulations et de conditions de vente qui avaient été approuvées par le tribunal le 26 août. Les stipulations et les conditions de la vente étaient présumées faire partie de chaque offre présentée au séquestre. Or la clause 14 des stipulations et des conditions prévoyait ce qui suit :
[TRADUCTION]
… Aucune partie n’est autorisée à rétracter, retirer, modifier ou annuler son offre avant qu’elle ne soit acceptée ou rejetée par le vendeur (séquestre). [le souligné est de nous]
[37] L’ordonnance du 28 septembre a repris les termes soulignés. Supposons que, sur le fondement de l’interprétation donnée au libellé de l’ordonnance, il est conclu qu’une offre existante ne peut expirer ainsi que le prévoient ses stipulations; dans un tel cas, lorsque Bioglan a soumis son offre, elle a, en vertu de la clause 14 des stipulations et des conditions de la vente, consenti à ce que son offre reste ouverte jusqu’à ce qu’elle soit acceptée ou rejetée par le séquestre. Si l’on souscrit à une telle interprétation, l’ordonnance du 28 septembre n’a rien ajouté à l’obligation qu’avait assumée Bioglan lorsqu’elle a soumis son offre.
[38] En conséquence, je ne ferais pas droit à cet argument.
[39] Passons au deuxième argument subsidiaire de Bioglan. Après avoir conclu à l’impossibilité de structurer une transaction fondée sur les avantages fiscaux de la position de Hyal en matière de pertes fiscales, le séquestre se serait dû de négocier plus avant avec les soumissionnaires non exclusifs. Ainsi l’aurait voulu l’ordonnance du 28 septembre. Selon Bioglan, l’obligation ainsi imposée au séquestre l’a investie du droit légal de participer au processus, et ce droit a été violé par le séquestre lorsqu’il a recommandé l’entente de Skyepharma.
[40] Je n’interprète pas l’ordonnance du 28 septembre comme imposant une telle obligation au séquestre. En vertu de l’ordonnance, le séquestre pouvait déterminer à sa discrétion s’il négocierait plus avant avec les soumissionnaires non exclusifs. L’ordonnance n’obligeait pas le séquestre à le faire. En outre, sous le régime de l’ordonnance du 28 septembre, le droit, pour le syndic, de contracter avec les soumissionnaires exclusifs n’était pas restreint à la situation où une entente pouvait être structurée de manière à tirer avantage des pertes fiscales. L’ordonnance du 28 septembre n’a pas créé l’obligation ni le droit revendiqués par Bioglan.
[41] Comme troisième et dernier argument, Bioglan soutient qu’elle a acquis le droit nécessaire pour former le présent appel parce que le juge des motions lui a permis de présenter ses prétentions relativement à la motion en approbation de la vente. Là encore, je considère que l’argument de Bioglan n’a aucun fondement. Comme je l’ai énoncé précédemment, à l’évidence, le juge des motion a entendu Bioglan en raison de sa seule qualité de créancière de Hyal, et non parce qu’elle était une acquéresse éventuelle dont l’offre n’avait pas été retenue. Bioglan ne souhaite pas former le présent appel à titre de créancière. Et elle ne se plaint pas que l’ordonnance d’approbation de la vente est injuste à l’égard des créanciers d’Hyal.
[42] Pour approuver la vente, le juge des motions s’est fondé sur la recommandation du séquestre, selon laquelle cette mesure était dans l’intérêt supérieur des créanciers. Bioglan a certes obtenu la possibilité d’être entendue en de telles circonstances; mais elle n’en a pas acquis de droit, ni de qualité, qui justifiât l’introduction du présent appel. L’ordonnance dont Bioglan cherche à faire appel ne décide pas définitivement d’un droit détenu par elle à titre de créancière.
DISPOSITIF
[43] En conséquence, je ferais droit à la motion et j’annulerais l’appel avec dépens pour la partie requérante.
Jugement rendu le 18 février 2000 « JJC »
Le juge D.R. O’Connor, de la Cour d’appel
« Je souscris aux motifs du juge O’Connor. »
Le juge J.J. Carthy, de la Cour d’appel
« Je souscris aux motifs du juge O’Connor. »
Le juge S.T. Goudge, de la Cour d’appel.
[1] Si ces deux offres étaient supérieures, c’est qu’elles seules tentaient d’accorder une valeur aux positions de Hyal en matière de pertes fiscales.
[2] Aujourd’hui, la règle est libellée autrement.