‘Société d’aide à l’enfance de Peel (appelante) c. M. J. W. et W. W. (intimés)(C19593)
Répertorié : Société d’aide à l’enfance de Peel c. M. J. W. et W. W.
Cour d’appel de l’OntarioLes juges Robins, Finlayson et Osborne, de la Cour d’appelLe 10 mai 1995.
Résumé :
La Société d’aide à l’enfance de Peel a retiré une enfant des soins de sa mère. Une audience en révision du statut de l’enfant a été tenue sous le régime de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille.
La Cour provinciale de l’Ontario a ordonné que l’enfant soit confiée à la Couronne, en qualité de pupille, sans droit de visite. La mère de l’enfant a porté cette décision en appel.
La Cour de justice de l’Ontario (Division générale) a annulé la décision du juge de la Cour provinciale et a ordonné la tenue d’un nouveau procès. La Société d’aide à l’enfance a porté cette décision en appel.
La Cour d’appel de l’Ontario a accueilli l’appel et a rétabli l’ordonnance de tutelle par la Couronne, sans droit de visite.
Tuteur et pupille – Sujet 815
Tuteur ou curateur public – Nomination – Enfant ou adulte ayant besoin de protection – Examen et intérêt véritable de l’enfant – [Voir la première rubrique intitulée Tuteur et pupille – Sujet 816].
Tuteur et pupille – Sujet 816
Tuteur ou curateur public – Nomination – Enfant ou adulte ayant besoin de protection – Nomination permanente – La Société d’aide à l’enfance a retiré une enfant des soins de sa mère – La Société a demandé que l’enfant soit confiée à la Couronne, en qualité de pupille, sans droit de visite – La mère a demandé que l’enfant soit placée chez ses grands-parents – La Cour d’appel de l’Ontario a décidé qu’il était dans l’intérêt véritable de l’enfant de la confier à la Couronne, en qualité de pupille, sans droit de visite – L’enfant était «adoptable» même si elle était âgée de huit ans et demi – Elle avait besoin de stimulation, de structure, de thérapie, de programmes d’enseignement à l’enfance en difficulté, d’une surveillance constante, de continuité, de stabilité et de sécurité – Ni la mère ni les grands-parents de l’enfant ne pouvaient combler ces besoins de façon adéquate.
Tuteur et pupille – Sujet 816
Tuteur ou curateur public – Nomination – Enfant ou adulte ayant besoin de protection – Nomination permanente – [Voir la première rubrique, intituléeTuteur et pupille – Sujet 825].
Tuteur et pupille – Sujet 825
Tuteur ou curateur public – Nomination – Preuve – La Société d’aide à l’enfance a retiré une enfant des soins de sa mère – Une audience en révision du statut de l’enfant a été tenue sous le régime de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille – Le juge de première instance a ordonné que l’enfant soit confiée à la Couronne, en qualité de pupille, sans droit de visite – La Cour de justice de l’Ontario (Division générale) a ordonné la tenue d’un nouveau procès – Elle a notamment déclaré que le juge de première instance avait commis une erreur, car a) elle n’avait pas examiné les facteurs énoncés au paragraphe 65(3) de la Loi concernant l’audience en révision du statut de l’enfant et b) contrairement aux exigences du sous-alinéa 53(1)d)(ii), elle n’avait pas motivé sa décision selon laquelle l’enfant ne pouvait pas être protégée suffisamment si elle était confiée aux soins de sa mère – La Cour d’appel de l’Ontario a conclu que le juge de première instance avait fait tous les examens nécessaires – Le jugement de première instance a été rétabli – Voir les paragraphes 36 à 40 et 92 à 99.
Tuteur et pupille – Sujet 825
Tuteur ou curateur public – Nomination – Preuve – La Société d’aide à l’enfance a retiré une enfant des soins de sa mère – Une audience en révision du statut de l’enfant a été tenue sous le régime de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille – Le juge de première instance a ordonné que l’enfant soit confiée à la Couronne, en qualité de pupille, sans droit de visite – La Cour de justice de l’Ontario (Division générale) a notamment déclaré que la juge de première instance avait commis une erreur lorsqu’elle n’a pas donné suite à la proposition de la mère de placer son enfant chez ses grands-parents – Plus particulièrement, le juge de première instance aurait dû déterminer si les grands-parents se seraient engagés à prendre soin de l’enfant et si la Société d’aide à l’enfance avait suffisamment étudié cette proposition – La Cour d’appel de l’Ontario a conclu que la juge de première instance n’avait pas commis d’erreur – Le juge de première instance aurait pu assigner des personnes à témoigner en vertu de l’article 49 de la Loi, mais un juge n’est pas un enquêteur – Sa responsabilité consistait à rendre une décision – Voir les paragraphes 40 à 55.
Tuteur et pupille – Sujet 825.2
Tuteur ou curateur public – Nomination – Rapport d’une étude du milieu familial et évaluations – La Société d’aide à l’enfance a retiré une enfant des soins de sa mère – Une audience en révision du statut de l’enfant a été tenue sous le régime de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille – La juge de première instance a ordonné que l’enfant soit confiée à la Couronne, en qualité de pupille, sans droit de visite – La Cour de justice de l’Ontario (Division générale) a notamment ordonné la tenue d’un nouveau procès – La Cour d’appel de l’Ontario a accueilli l’appel de la Société d’aide à l’enfance – La Cour a, entre autres, examiné la preuve que la mère avait l’intention de présenter au nouveau procès, en particulier, le rapport d’une étude du milieu familial qui appuyait le placement de l’enfant chez ses grands-parents – La Cour a déclaré que le rapport était non seulement extrêmement déficient, mais il démontrait que le placement ne constituait pas une solution pratique. Le jugement de première instance a été rétabli. Voir les paragraphes 59 à 99.
Tuteur et pupille – Sujet 945
Tuteur ou curateur public – Appels – Admission d’une «nouvelle preuve» – Le juge Osborne, au nom de la Cour d’appel de l’Ontario, a déclaré que, dans les causes régies par la Loi sur les services à l’enfance et à la famille, «des normes plus souples doivent être appliquées afin de permettre l’admission d’une preuve supplémentaire. […] Je ne crois pas que dans les causes qui relèvent du droit de la famille, plus particulièrement celles qui concernent des enfants, la preuve supplémentaire doive satisfaire au critère Varette ou aux exigences qui s’appliquent à l’admission d’une preuve supplémentaire dans les causes criminelles. […] Ceci étant dit, je ne crois pas qu’une preuve supplémentaire, lorsqu’elle est admise, doive forcément donner lieu à un nouveau procès ou à l’infirmation du jugement de première instance. Dans les affaires qui concernent des enfants, la nouvelle preuve, lorsqu’elle est admise, doit être examinée avec les autres éléments de preuve afin de déterminer la décision appropriée relativement à l’appel» – Voir le paragraphe 65.
Tuteur et pupille – Sujet 945
Tuteur ou curateur public – Appels – Admission d’une «nouvelle preuve» – La Société d’aide à l’enfance a retiré une enfant des soins de sa mère – Une audience en révision du statut de l’enfant a été tenue sous le régime de laLoi sur les services à l’enfance et à la famille – La juge de première instance a ordonné que l’enfant soit confiée à la Couronne, en qualité de pupille, sans droit de visite – La Cour de justice de l’Ontario (Division générale) a annulé le jugement de première instance et a ordonné la tenue d’un nouveau procès. La Société d’aide à l’enfance a interjeté appel contre cette décision – La Cour d’appel de l’Ontario a accueilli l’appel – Bien que la Cour ait permis à la mère de présenter une nouvelle preuve afin de proposer que son enfant soit placée chez ses grands-parents qui demeurent en Colombie-Britannique, elle a décidé qu’il était dans l’intérêt véritable de l’enfant qu’elle demeure une pupille de la Couronne et qu’elle soit placée en vue de son adoption – Voir les paragraphes 59 à 99.
Procédure – Sujet 9031
Appels – Preuve présentée en appel – Admission d’une «nouvelle preuve» – [Voir les deux rubriques intitulées Tuteur et pupille – Sujet 945].
Jurisprudence citée :
Catholic Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto c. M. (C.), [1994] 2 R.C.S. 165; 165 N.R. 161; 71 O.A.C. 81, mentionné [par. 36].
Strobridge v. Strobridge (1994), 72 O.A.C. 379; 18 O.R. (3d) 753 (C.A.), mentionné [par. 56].
Varette v. Sainsbury, [1928] R.C.S. 72, mentionné [par. 61].
Hill v. Church of Scientology of Toronto and Manning (1994), 71 O.A.C. 161; 18 O.R. (3d) 385 (C.A.), mentionné [par. 62].
Genereux v. Catholic Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto (Municipality) (1985), 53 O.R. (2d) 164; 9 O.A.C. 398 (C.A.), suivi [par. 64].
La Reine c. Nielsen et Stolar, [1988] 1 R.C.S. 480; 82 N.R. 280; 52 Man. R. (2d) 46; 62 C.R. (3d) 313; [1988] 3 W.W.R. 193, mentionné [par. 65].
Palmer c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 759; 30 N.R. 181, mentionné [par. 65].
Lois et règlements cités :
Child Welfare Act, R.S.O. 1980, chap. 66, par. 43(8) [par. 63].
Loi sur les services à l’enfance et à la famille, L.R.O. 1990, chap. C.11, les dispositions suivantes : 49 [par. 43, annexe A]; 53(1) [par. 34, annexe A]; 56 [par. 56, annexe A]; 57(1), 57 (2) [par. 34, annexe A]; 57(3) [par. 50, annexe A]; 57(4) [par. 52, annexe A]; 57(5), 57(6), 57(8), 57(9) [annexe A]; 64 [par. 2]; 65 [par. 2, annexe A]; 69 [par. 30, annexe A].
Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, chap. C.43, al. 134(4) b) [par. 60].
Règles de procédure civile (Ontario), règle 72 [par. 44].
Doctrine citée :
Cross on Evidence (7e éd. 1990), en général [par. 61].
Sopinka J. et M. A. Gelowitz, The Conduct of an Appeal (1993), en général [par. 61].
Procureurs :
Marvin Kurz et Frederick Streiman, pour la Société d’aide à l’enfance de Peel;
Corina Gayk, pour l’enfant M. W.;
Ian R. Mang et T. Michele O’Connor, pour W. W.;
Jacqueline King et Jeffrey Wilson, pour M. J. W.
Le présent appel a été entendu le 8 mars 1995 par les juges Robins, Finlayson et Osborne de la Cour d’appel de l’Ontario. La décision de la Cour a été rendue par le juge Osborne, le 10 mai 1995.
[1] Le juge Osborne : Le présent appel concerne l’avenir d’une enfant de huit ans et demi, M. W., qui reçoit des soins fournis par une famille d’accueil depuis novembre 1991, après que la Société d’aide à l’enfance (SAE) de Peel l’eut retirée des soins de sa mère en septembre 1991. À l’issue d’une audience en révision du statut de l’enfant tenue conformément à la Loi sur les services à l’enfance et à la famille, L.R.O. 1990, chap. C.11 (LSEF), la juge Kerrigan-Brownridge de la Cour provinciale a ordonné que M. W. soit confiée à la Couronne, en qualité de pupille, sans droit de visite. La mère de M. W. (Mme W.) a interjeté appel contre cette décision. Le 1er septembre 1994, après cinq jours de plaidoirie fondée sur le dossier d’instruction et une nouvelle preuve – sur laquelle je reviendrai plus tard – le juge Simmons a annulé l’ordonnance de la juge de la Cour provinciale et a ordonné la tenue d’un nouveau procès. La SAE porte maintenant cette décision en appel.
[2] L’appel soulève un certain nombre de questions. Parmi celles-ci, il y a la question concernant l’application des facteurs qui doivent faire l’objet d’un examen dans le cadre d’une audience en révision du statut de l’enfant tenue aux termes des art. 64 et 65 de la LSEF. La Cour d’appel doit également se pencher sur les exigences énoncées au par. 53(1) de la LSEF concernant les motifs du jugement. Ces questions doivent être examinées à la lumière de la «preuve supplémentaire» admise par le juge Simmons lors de l’appel interjeté par Mme W. à la suite de l’ordonnance de la juge de la Cour provinciale et d’autres éléments de «preuve supplémentaire» déposés devant la Cour. Cette «preuve supplémentaire» concerne entre autres la viabilité de la proposition de Mme W. visant le placement de M. W. chez son grand-père maternel et la conjointe de celui-ci, à Smithers (C.-B.).
Les faits
[3] Il convient d’examiner d’abord la preuve seulement afin de fournir un certain contexte aux présents motifs et à l’ordonnance rendue par la juge de première instance (tutelle par la Couronne, sans droit de visite) et à celle du juge de la Cour de justice de l’Ontario (Division générale) (nouvelle instance).
[4] M. W. est née le 3 juillet 1986. Elle est la troisième enfant de M. J. W. (Mme W.) et de W. W. Depuis sa naissance, elle a été élevée dans des conditions misérables et traitée avec négligence, ce qui a eu pour effet de compromettre tous les aspects de son développement. À l’audience, plusieurs experts et fournisseurs de soin sont venus témoigner sur la situation particulière de M. W. Elle a vécu dans un foyer qui a été décrit comme étant «difficilement habitable» en raison d’un manque d’entretien. Elle-même a été décrite comme étant «toujours malpropre». Très jeune, elle a été nourrie au Pepsi Cola, dont on remplissait son biberon, ce qui fait qu’à l’âge de cinq ans, elle a dû se faire poser des prothèses dentaires supérieure et inférieure. La relation de ces faits vise à illustrer la qualité des soins que recevait M. W.
[5] M. W. avait cinq ans lorsque, pour la première fois, elle a été placée en vue de recevoir des soins; à cette époque, son développement équivalait à celui d’un enfant d’environ deux ans. Elle mangeait avec ses mains et étendait sa nourriture. Elle était incapable de jouer avec des enfants de son âge. Ses aptitudes verbales étaient nettement sous-développées. Elle mouillait son lit et était sexuellement précoce.
[6] Madame Maureen Joyce, une psychologue qui a été longuement en contact avec M. W. l’a décrite comme étant une enfant extrêmement distraite, affectueuse et attachante et ayant des habiletés motrices fines et des aptitudes verbales déficientes. Dans sa déposition qui n’a pas été contestée à l’instruction, Mme Joyce a indiqué que M. W. avait besoin d’un environnement structuré. Elle a des difficultés à assimiler l’information, en ce sens qu’elle perçoit de façon fragmentée les événements qui se produisent devant elle. Elle a besoin d’un environnement sécurisant, cohérent et structuré qui soit, en général, exempt de distractions injustifiées. Mme Joyce a exprimé son opinion selon laquelle M. W. tirerait avantage d’une éducation corrective individualisée.
[7] En septembre 1991, les trois enfants ont été retirés des soins de M. et Mme W. pour être placés chez un oncle du côté maternel et sa conjointe de fait. Après deux semaines, l’oncle a demandé que W. W. fils soit confié aux soins de la SAE. Le 4 novembre 1991, M. W. et sa soeur aînée T. W. ont été confiées aux soins de la SAE.
[8] Le 18 mars 1992, on a constaté que M. W. avait besoin de protection et elle a été confiée à la société, en qualité de pupille, pendant une période de quatre mois. Le 3 juin 1992, la SAE a présenté une demande en révision du statut de l’enfant, afin d’obtenir la tutelle par la société pour une période supplémentaire de trois mois. Le 15 octobre 1992, la SAE a présenté une demande modifiée en révision du statut de l’enfant dans laquelle elle réclamait la tutelle par la Couronne, sans droit de visite. La SAE projetait de placer M. W. sur la voie de l’adoption.
[9] Depuis le 4 novembre 1991, M. W. vit en famille d’accueil où elle reçoit les soins de M. et Mme J. Mme J. a témoigné à l’audience en révision du statut de l’enfant. Son témoignage était impressionnant, et c’est peu dire. Il me semble que M. et Mme J. ont répondu aux besoins de M. W. avec bonté et dévouement et en consentant des sacrifices. Malheureusement, ils ne se sentent pas capables d’adopter M. W. ni de lui fournir les soins d’une famille d’accueil sur une longue période. Mme J. a déclaré qu’elle ne souhaitait pas être placée dans une position où l’intérêt véritable de ses propres enfants serait compromis par les demandes instantes auxquelles elle devrait répondre comme mère adoptive ou mère de famille d’accueil de M. W. Elle était prête à continuer de prendre soin de M. W. jusqu’au règlement de la demande en révision du statut de l’enfant. Je crois qu’elle n’avait pas soupçonné que la demande en révision du statut de l’enfant donnerait lieu à un appel, puis à une ordonnance enjoignant la tenue d’un nouveau procès et, enfin, à un nouvel appel devant la Cour.
[10] L’audience concernant la demande modifiée en révision du statut de l’enfant a commencé le 23 août 1993 et s’est déroulée sur six jours consécutifs; dès la fin de cette audience, soit le 1er septembre 1993, la juge Kerrigan-Brownridge de la Cour provinciale a rendu jugement et a ordonné que M. W. soit confiée à la Couronne, en qualité de pupille, sans droit de visite.
[11] Le programme de la SAE concernant les soins à fournir à M. W. a été déposé au tribunal, mais il n’a pas été déposé comme pièce à l’instruction. Le programme est contenu dans l’affidavit de la première travailleuse sociale de la SAE qui s’est occupée du dossier de M. W., Anne-Marie Duguay. Dans son affidavit fait le 27 octobre 1992, Mme Duguay a résumé la situation actuelle de W. W. fils, de T. W. et de M. W., les détails des enquêtes menées par la SAE sur les compétences parentales de la mère, la capacité de celle-ci d’acquérir des compétences parentales et le programme particulier de la SAE. Le programme de la SAE ne mentionnait pas de documents d’appui, mais prévoyait confier M. W. à la Couronne, en qualité de pupille, sans droit de visite [TRADUCTION] «… jusqu’à ce qu’on trouve un foyer d’adoption convenable …». Par conséquent, la SAE a fait valoir que l’ordonnance appropriée était la tutelle par la Couronne, sans droit de visite. De cette façon, M. W. pouvait être placée en vue de son adoption.
[12] Dans son exposé initial, l’avocat de la SAE a informé le tribunal que M. W. était une enfant qui pouvait être adoptée. La preuve produite à l’audience en révision du statut de l’enfant a confirmé cette information.
[13] Dans son exposé initial, l’avocat de Mme W. a reconnu que celle-ci avait réalisé qu’il n’était pas dans l’intérêt véritable de M. W. de retourner vivre avec elle. L’avocat s’est exprimé de la façon suivante :
[TRADUCTION] Une lente réflexion a permis de réaliser progressivement qu’il n’était peut-être pas bon pour M. W. de revenir vivre à son foyer [de la mère], mais qu’elle devrait aller vivre à un autre endroit.
[14] Comme il a été énoncé au début de l’instance, la position de Mme W. était qu’elle désirait que M. W. soit envoyée à Smithers (C.-B.) pour vivre chez son grand-père maternel et sa conjointe, qui n’est pas la grand-mère naturelle de M. W. Avant que la preuve soit produite, l’avocat a informé le tribunal que M. et Mme G. fournissaient des soins à deux garçons difficiles, leurs petits-fils, à Smithers (C.-B.). Les deux garçons, âgés de 12 ans et de 9 ans, ont été victimes du syndrome d’alcoolisme foetal et des effets de l’alcoolisation du foetus. Lorsque je me pencherai sur la nouvelle preuve qui porte sur la proposition visant à envoyer M. W. à Smithers (C.-B.), présentée par Mme W. au début de l’instruction, j’aborderai la question des deux garçons confiés aux soins de leurs grands-parents en Colombie-Britannique. En tout état de cause, il est clair que la proposition de la mère présentée au début de l’instruction était que M. W. aille vivre avec ses grands-parents à Smithers (C.-B.).
[15] L’avocat de la SAE et l’avocate des enfants (le tuteur public) se sont tous les deux opposés à la proposition visant à envoyer M. W. à Smithers (C.-B.). Selon Mme Duguay, jusqu’au 5 août 1993, Mme W. désirait que M. W. revienne vivre avec elle et, subsidiairement, si le juge devait ordonner que M. W. soit placée en vue de son adoption, qu’elle soit adoptée par son grand-père, M. G. La SAE avait donc considéré au départ que cette dernière proposition était le second choix de Mme W. Mme Duguay a indiqué que c’est le 5 août 1993 que cette proposition est devenue le premier choix de la mère et celui qu’elle préférait. Dans une lettre datée du 28 juillet 1993 et adressée à l’avocat de Mme W. (moins d’un mois avant le début de l’ audience en révision du statut de l’enfant), l’avocat de la SAE mentionne la proposition visant à envoyer M. W. vivre en Colombie-Britannique avec son grand-père et sa conjointe comme une proposition en vue de l’adoption de M. W. et comme une proposition de substitution, c’est-à-dire une proposition sur laquelle Mme W. s’appuierait si elle ne devait pas avoir gain de cause à l’audience en révision du statut de l’enfant. Cette lettre énonçait également que si le tribunal ordonnait la tutelle par la Couronne, sans droit de visite, la SAE n’envisagerait l’adoption de M. W. par son grand-père en Colombie-Britannique que comme un programme parmi d’autres programmes possibles concernant l’adoption de M. W. L’avocat de Mme W. n’a pas répondu à cette lettre ni à une lettre subséquente datée du 6 août 1993 qui l’avisait qu’un rapport d’une étude du milieu familial concernant le grand-père en Colombie-Britannique ne serait pas disponible à l’audience en révision du statut de l’enfant.
[16] On a demandé à Mme Duguay ce qu’elle pensait de la proposition de Mme W. visant à envoyer M. W. vivre chez son grand-père et sa conjointe (M. et Mme G.) en Colombie-Britannique. Elle a répondu que M. G. et Mme G. n’avaient jamais communiqué avec elle au sujet de cette proposition. Elle a ajouté que M. et Mme G. n’avaient pas vu leur petite-fille depuis 1991, année où celle-ci a été confiée aux soins de la SAE; de plus, à sa connaissance, ils ne lui avaient jamais posté de cartes d’anniversaire ni de lettres, même après le 19 mai 1993, date à laquelle il a été proposé pour la première fois que M. W. s’installe chez eux en Colombie-Britannique.
[17] À la fin de la deuxième journée de l’instruction, le tribunal ayant reçu des éléments de preuve concernant les énormes besoins de M. W., ses problèmes, notamment sa précocité sexuelle, ainsi que des éléments de preuve qui révélaient qu’elle avait subi de la violence sexuelle, la juge de première instance est intervenue afin d’examiner la viabilité générale de la proposition de la mère visant à placer son enfant en Colombie-Britannique. La juge de première instance a formulé sa préoccupation de la manière suivante :
[TRADUCTION] …et ils n’ont qu’un projet, celui de placer cette enfant de sept ans qui est sexuellement précoce dans un foyer où vivent deux garçons de 9 et 11 ans qui ont leurs propres problèmes. Je crois qu’il s’agit d’une situation très grave qu’il faut examiner.
[18] La juge de première instance a ensuite informé l’avocat de Mme G. qu’elle voulait l’entendre au sujet de la situation du grand-père en Colombie-Britannique :
[TRADUCTION] Oui, car je dois vous dire M. Roche [l’avocat de la mère à l’instruction] que, si on ne me renseigne pas sur les qualités personnelles de M. G. [le grand-père de M. W.], à savoir sa capacité de comprendre les besoins de M. W. et aussi sa capacité de répondre lui-même à ces besoins en ayant recours aux ressources de la communauté, je ne vois alors vraiment pas comment il peut être envisagé comme un choix. Je veux seulement savoir si M. G. se présentera ici, sinon, je vous suggérerais de consulter votre cliente afin de déterminer quelle sera la nature de l’instance, car à cette étape-ci, le programme est de toute évidence non viable et sa viabilité ne sera prouvée d’aucune façon; ce qui nous ramène donc à la question de savoir si Mme W. consent à la tutelle par la Couronne avec droit de visite ou quelle position elle fera valoir … Je veux seulement que vous compreniez Mme W. que si votre père ne se présente pas dans cette salle d’audience pour expliquer son programme et me convaincre qu’il comprend les besoins de M. W. et qu’il peut répondre à ses besoins, alors je ne peux pas considérer cette proposition comme viable… [Je souligne.]
[19] À ce moment, Mme W. est intervenue pour faire observer qu’il faudrait consulter non pas son père mais sa belle-mère. La juge de première instance a alors poursuivi :
[TRADUCTION] Je dois entendre parler d’un programme très viable et, comme je l’ai dit, je dois me faire dire que les besoins de M. W. sont bien compris et qu’on peut y répondre; voilà qui résume le point crucial de l’affaire.
[20] Il est clair que les avocats ont discuté entre eux après la deuxième journée de l’instruction. L’objet de ces discussions a fait surface le troisième jour de l’instruction pendant le témoignage du docteur Amin. Dr Amin avait rencontré M. W. à cinq reprises en juin et en juillet 1993, la dernière rencontre ayant eu lieu le 15 juillet 1993. Dans son témoignage principal, il a mentionné brièvement que Mme W. l’avait informé du programme qui consistait à envoyer M. W. vivre chez son grand-père à Smithers (C.-B).
Au cours de l’interrogatoire principal de M. Amin, l’avocat de la SAE a déclaré :
[traduction] Aujourd’hui, ce programme [le programme de placement en Colombie-Britannique] a été retiré en raison de son caractère irréalisable et aujourd’hui, son programme est d’accepter la tutelle par la Couronne mais de demander à la Cour de lui accorder le droit de visiter l’enfant. Avez-vous des commentaires à formuler au sujet de ce changement de position? Ce changement est-il conséquent à tous égards avec vos conclusions? [Je souligne.]
M. Amin a donné la réponse suivante :
[TRADUCTION] Bien, c’est certainement conséquent, étant donné qu’elle veut à tout prix rester en contact avec son enfant… C’est aussi conséquent en ce sens que je ne suis pas sûr qu’elle saisisse clairement les besoins et les déficiences de son enfant ni de quelle façon cela pourrait provoquer une certaine confusion chez sa fille, laquelle a des besoins spéciaux.
[21] L’avocat de Mme W. n’a pas contesté la déclaration portant que le programme de placement en Colombie-Britannique avait été retiré en raison de son caractère irréalisable, et il n’a pas non plus contesté le commentaire formulé ci-dessus par M. Amin. En outre, je remarque que, au cours du contre-interrogatoire, l’avocat de la mère n’a pas tenté d’affirmer à M. Amin que la possibilité d’envoyer M. W. vivre avec son grand-père et sa conjointe à Smithers (C.-B.) pouvait encore être examinée par le tribunal.
Les motifs de la juge de première instance
[22] La juge de première instance a déclaré que M. W. avait été gravement négligée et privée de soins durant les cinq premières années de sa vie. Il s’agit de la période où elle était sous les soins de sa mère et vivait dans un foyer que la juge a déclaré (sur une preuve non contredite) [TRADUCTION] « malpropre et insalubre ». La juge s’est également prononcée sur les déficiences de M. W. lorsqu’elle a été confiée aux soins de la SAE en 1991. Elle a conclu que M. W. était à cette époque incapable de communiquer verbalement et sexuellement précoce. Elle a également fait remarquer que M. W. n’avait pas acquis les habiletés de base à l’égard de l’alimentation, de la propreté, du jeu avec un groupe d’âge représentatif et de l’interaction avec les autres personnes.
[23] La juge de première instance a conclu, en s’appuyant sur une preuve abondante, que M. W. avait besoin de stimulation, de structure, de thérapie, d’un programme d’enseignement à l’enfance en difficulté, d’une surveillance constante, de continuité, de stabilité et de sécurité. Elle a fait remarquer que, selon la preuve fournie par les experts, tous ces besoins étaient essentiels à l’épanouissement de ses aptitudes.
[24] Toutes les conclusions de la juge de première instance ont été étayées par la preuve. La lecture de la transcription des témoignages révèle que l’évaluation des déficiences et des besoins de M. W. n’ont fait l’objet d’aucune véritable contestation.
[25] Dans ses motifs, la juge de première instance a fait remarquer que les liens affectifs entre M. W. et sa mère étaient [TRADUCTION] « minimes » et qu’il n’y avait pas d’élément de preuve montrant de liens affectifs significatifs entre M. W. et son frère et sa soeur. Elle a indiqué que même si Mme W. aimait M. W. (et, en ce qui concerne cette question, ses trois enfants), elle avait délégué à d’autres personnes la plupart des soins dus à M. W. Lorsqu’elle s’est prononcée sur les liens affectifs entre Mme W. et M. W., la juge a fait remarquer que la proposition de Mme W. d’envoyer M. W. vivre avec son père (le grand-père de M. W.) n’était pas [TRADUCTION] « un signe de liens affectifs puissants entre une mère et son enfant ».
[26] La juge de première instance a accepté la preuve selon laquelle M. W. était adoptable et qu’il était dans son intérêt véritable à long terme d’être adoptée, conformément au programme de la SAE. Se prononçant sur l’importante question de savoir si M. W. pouvait être adoptée, Andrea Abrams, le superviseur de la SAE à l’égard des adoptions et des soins fournis par une famille d’accueil a déclaré :
[TRADUCTION]
R. Je crois que M. W. est adoptable.
Q. Pourquoi dites-vous cela?
R. Outre le fait qu’elle est une enfant fragile émotivement, M. W. a beaucoup de qualités. Elle est très attachante. Elle est jolie. Elle est engageante. Elle est sensible aux personnes de son environnement et elle s’intéresse à celles-ci. Elle manque d’attention. Elle manque d’interaction. Elle avait quelques bons liens avec sa mère de famille d’accueil. Elle est contente de celle-ci. Sa mère de famille d’accueil répond à ses besoins et M. W. s’est attachée à ce foyer; je crois que, pour cette raison, elle pourra créer de nouveaux liens dans un foyer d’adoption. Elle a fait de grands progrès durant son séjour dans sa famille d’accueil et, à la lecture des rapports, il semble qu’elle peut s’améliorer encore. Ce sont toutes des qualités que les parents adoptifs recherchent chez les enfants. [Je souligne.]
[27] La juge de première instance a accepté la recommandation portant sur la nécessité d’une période de transition d’au moins un an au moment où M. W. quittera sa famille d’accueil pour aller vivre chez sa famille d’adoption. La nécessité d’une période de transition est ressortie du témoignage d’expert portant sur le besoin de continuité et de stabilité dans la vie de M. W. et, par conséquent, sur le besoin d’une période de transition assez longue au moment où elle sera retirée de sa famille d’accueil.
[28] Par conséquent, la juge de première instance a ordonné que M. W. soit confiée à la Couronne, en qualité de pupille, sans droit de visite, de sorte qu’elle puisse être placée en vue de son adoption.
[29] Au moment où elle s’est prononcée sur la question du lien affectif entre Mme W. et M. W., la juge de première instance n’a fait référence qu’accessoirement au choix du placement en Colombie-Britannique. Il est clair qu’au moment de traiter les questions dont elle était saisie, la juge de première instance a tenu pour acquis que la proposition de Mme W. d’envoyer M. W. vivre avec son grand-père et la conjointe de celui-ci à Smithers (C.-B.) avait été abandonnée.
L’appel interjeté en vertu de l’art. 69 de la LSEF
[30] Mme W. a porté en appel la décision de la juge Brownridge-Kerrigan de la Cour provinciale de confier M. W. à la Couronne, en qualité de pupille, sans droit d’accès. Son appel était interjeté en vertu de l’article 69 de laLSEF. Pour plus de commodité, je reproduirai l’art. 69 et d’autres dispositions pertinentes de la LSEF à l’annexe A des présents motifs.
[31] La juge Simmons a entendu l’appel sur une période de cinq jours. Au cours de cet appel, elle a reçu une preuve supplémentaire produite par Mme W., laquelle preuve, je présume, a été déposée en vertu du paragraphe 69(6) de la LSEF. Cette preuve supplémentaire concernait :
a) les circonstances entourant l’absence de la grand-mère de M. W. à l’instruction;
b) la viabilité du placement de M. W. chez ses grands-parents, M. et Mme G., et leur volonté de prendre soin de M. W.;
c) la position prise par la SAE avant l’instruction à l’égard de l’examen de la proposition de placement en Colombie-Britannique.
[32] La juge de la Cour d’appel a également reçu les affidavits de la SAE en réponse aux questions soulevées dans les affidavits déposés par Mme W. La juge de la Cour d’appel s’est reportée à la nouvelle preuve vers la fin des motifs de son jugement. Elle a conclu à l’admissibilité de certains paragraphes de l’affidavit de Mme G., la conjointe du grand-père maternel de l’appelante. Elle a également décidé que certains paragraphes d’un affidavit de réponse fait par Anne-Marie Duguay (travailleuse des services à la famille pour la Société d’aide à l’enfance de Peel), étaient admissibles. Elle a affirmé que la nouvelle preuve qu’elle n’avait pas admise n’était pas importante pour trancher les questions soulevées dans l’appel.
[33] Même si le fondement sur lequel la juge de la Cour d’appel a admis la nouvelle preuve n’est pas très clair, il me semble que la nouvelle preuve n’a pas beaucoup influencé la décision de la juge de la Cour d’appel d’ordonner la tenue d’un nouveau procès. Dans ses motifs, la seule mention relative à cette nouvelle preuve portait sur la question de savoir si le grand-père de M. W. et sa conjointe avaient la volonté de prendre soin de M. W.
[34] Lorsque la juge de la Cour d’appel a examiné les questions soulevées en appel par Mme W, elle a conclu que la juge de première instance avait commis une erreur à différents égards. Voici les erreurs relevées par la juge de la Cour d’appel.
1. La juge de première instance ne s’est pas posé la question de savoir si la preuve avait établi qu’une ordonnance enjoignant que M. W. bénéficie d’une protection continue était requise. Plus tard, la juge de la Cour d’appel a déterminé que l’omission de la juge de première instance d’examiner cette question n’avait pas donné lieu à un préjudice grave ni à une erreur judiciaire fondamentale.
2. En rendant une ordonnance conformément au paragraphe 57(1) (tutelle par la Couronne, sans droit de visite), la juge de première instance a omis d’examiner la série de facteurs énoncés au paragraphe 65(3) et la série d’ordonnances prévues au paragraphe 57(2), à la lumière de la mission de la LSEF selon laquelle la décision doit tenir compte de «la solution la moins restrictive qui est dans l’intérêt véritable de l’enfant» (al. 65(3)h)).
3. Les motifs et les conclusions de fait de la juge de première instance n’ont pas satisfait aux exigences du par. 53(1) de laLSEF. En particulier, la juge de la Cour d’appel a conclu que la juge de première instance avait commis une erreur lorsqu’elle a omis de décider si M. W. pouvait (ou ne pouvait pas) être rendue à sa mère.
4. La juge de première instance a commis une erreur en fondant ses conclusions sur les positions que les parties ont défendues au procès, c’est-à-dire en procédant à partir de l’entente conclue entre celles-ci et portant que la seule question à trancher était de savoir si l’ordonnance appropriée de tutelle par la Couronne devait ou non prévoir un droit de visite.
5. Avant de rendre une ordonnance de tutelle par la Couronne, sans droit de visite, la juge de première instance aurait dû s’informer premièrement si «les grands-parents avaient toujours la volonté de prendre soin de M. W.»; deuxièmement, si la SAE avait pris des «mesures suffisantes» pour examiner la proposition de placement en C.-B.; et finalement s’il était «souhaitable ou nécessaire» d’obtenir d’autres éléments de preuve en ce qui a trait à cette proposition.
6. La juge de première instance a commis une erreur en traitant de la question des liens affectifs entre Mme W. et M. W. La juge de la Cour d’appel a conclu que la juge de première instance avait fait une erreur en interprétant l’appui de Mme W. à la proposition d’envoyer M. W. vivre chez ses grands-parents en C.-B. comme une preuve que les liens affectifs entre Mme W. et M. W. n’étaient pas forts.
Discussion
(i) Est-ce que M. W. avait continuellement besoin de protection et pouvait-elle être rendue à sa mère?
[35] La juge de la Cour d’appel a conclu qu’il existait quelques éléments de preuve montrant que Mme W. voulait garder M. W. avec elle et que la juge de première instance avait fait une erreur en n’en tenant pas compte. Elle s’est appuyée sur l’effet combiné du par. 65(3) et du sous-al. 53(1)b)(ii) en examinant cette question. En combinant ces dispositions de la LSEF, la juge de la Cour d’appel semble avoir décidé que la juge de première instance avait commis deux erreurs. Premièrement, elle n’avait pas pris en considération les facteurs énoncés au par. 65(3) — soit les facteurs dont elle devait tenir compte dans le cadre de l’ audience en révision du statut de l’enfant — relativement à la question de savoir si M. W. pouvait être rendue à sa mère et, deuxièmement, elle n’avait pas appliqué le sous-al. 53(1)b)(ii) en motivant sa décision selon laquelle M. W. «…ne peut pas être protégée suffisamment …» si elle est confiée aux soins de sa mère.
[36] Dans l’arrêt Catholic Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto c. M. (C.), [1994] 2 R.C.S. 165; N.R. 161; 71 O.A.C. 81, la Cour suprême du Canada a clairement énoncé que dans le cadre d’une audience en révision du statut de l’enfant, le tribunal doit être convaincu que l’enfant concerné a continuellement besoin de protection et que l’intervention du tribunal s’impose dans les circonstances. La juge L’Heureux-Dubé s’est exprimée de la façon suivante sur cette question, aux pages 199 et 200 (R.C.S.) :
«Les besoins des enfants changent continuellement en fonction des circonstances des enfants et des familles, qui évoluent avec le temps.»
. . . . .
«Au cours de l’instance en révision du statut de l’enfant, le tribunal doit examiner si les motifs qui ont donné lieu à l’ordonnance originale existent toujours et si l’enfant continue d’avoir besoin de la protection de l’État. Puisque cette révision est prévue dans la Loi, elle ne saurait avoir pour but de donner tout simplement son imprimatur à la décision originale.»
. . . . .
«Cet examen en révision du statut de l’enfant comporte deux volets. Le premier consiste à se demander si l’enfant continued’avoir besoin de protection et doit, en conséquence, faire l’objet d’une ordonnance de protection. Le second concerne l’intérêt véritable de l’enfant, élément important, et en dernière analyse, déterminant, de la décision quant au besoin de protection.»
[37] À mon avis, les motifs de la juge de première instance révèlent qu’elle a estimé que M. W. avait continuellement besoin de protection. Je crois que les motifs de la juge de première instance étaient suffisamment clairs et complets. Comme je l’ai dit, la preuve soumise et les conclusions de fait de la juge de première instance appuient sa décision selon laquelle M. W. a été une enfant gravement négligée qui avait besoin de protection.
[38] Le sous-alinéa 53(1)b)(ii) exige que le tribunal donne les motifs énonçant, dans la présente affaire, pourquoi M. W. ne pouvait pas être protégée suffisamment si elle était confiée aux soins de sa mère. À la lecture des motifs, la juge de première instance a expliqué pourquoi, à son avis, M. W. devait être confiée aux soins d’une autre personne que sa mère. La preuve à l’appui de sa conclusion sur cette question était abondante. La juge de première instance n’avait pas l’obligation d’invoquer tous les éléments de cette preuve. Lors de l’audience en révision du statut de l’enfant, l’avocat de Mme W. a reconnu que celle-ci n’était pas capable de prendre soin de sa fille. Certains éléments de preuve sur lesquels s’est fondée la juge de première instance appuyaient cette position. L’ensemble de la preuve d’expert souscrivait à la conclusion selon laquelle Mme W. é