COUR D’APPEL DE L’ONTARIOLes juges LASKIN, GOUDGE et FELDMAN, juges d’appel ENTRE : MICHAEL FRANCIS WALSH appelant – et – JOANNE CONSTANCE WALSH intimée )))))))))))))) Harold Niman et Anita Voilikispour l’appelant Carole Curtis, Victoria Starr et Valda Blenmanpour l’intimée Date de l’audience : le 30 septembre 2003 [TRADUCTION]Appel d’une ordonnance datée du 26 février 2003 de la juge Lorna-Lee Snowie, de la Cour supérieure de justice.Le juge LASKIN, juge d’appel:A. Introduction
[1] Le présent appel soulève une question importante concernant les ordonnances alimentaires rétroactives qui visent des enfants1.
[2] En septembre 1997, au terme d’un mariage de onze ans et demi, Michael Walsh et Joanne Walsh divorcent. Une des dispositions du jugement de divorce impose à M. Walsh de verser des aliments à leurs deux enfants. Le montant tient compte d’un salaire annuel imputé de 175 000 $ et est calculé conformément aux Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, DORS/97-175. M. Walsh obéit à cette ordonnance.
[3] Au printemps 2002, Mme Walsh demande des copies des déclarations de revenus de M. Walsh pour les quatre années précédentes. En les consultant, elle constate que le salaire annuel de son ex-époux a, depuis 1997, augmenté de façon substantielle. Sans délai, elle présente une demande de modification de la pension alimentaire de ses enfants ainsi qu’une motion en augmentation provisoire de cette pension. M. Walsh consent à une augmentation qui commencerait à l’été 2002. Mais la juge Snowie en décide autrement. Au cours de l’audience relative à la motion en augmentation provisoire, la juge fixe un « nouveau montant » (« recalculate ») pour la période de 1998 à 2001 en ce qui concerne la pension alimentaire payable sous le régime des Lignes directrices. Aux fins de ce calcul, la juge se fonde sur le revenu annuel de M. Walsh pour ces quatre années. La juge ordonne à M. Walsh de combler le [TRADUCTION] « manque à gagner », qui s’élève à 42 917,88 $.
[4] M. Walsh interjette appel de cette ordonnance. Le présent appel a principalement pour but de déterminer si la juge des motions a commis une erreur en ordonnant une augmentation rétroactive de la pension alimentaire pour enfants sans avoir conclu à un changement de situation et sans avoir conclu qu’une augmentation rétroactive était nécessaire pour combler les besoins des enfants. Il s’agit d’une pure question de droit. Aux fins de cette question, la juge des motions ne bénéficie pas de la déférence judiciaire. La norme qui doit gouverner notre révision est celle de la « décision correcte ».
[5] Un point secondaire est soulevé dans le litige. Il s’agit de savoir si la juge des motions a erré en rendant son ordonnance sur une base provisoire sans avoir conclu que le besoin d’augmentation était urgent, ni même pressant.
[6] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la juge des motions a effectivement commis une erreur de droit en ordonnant l’augmentation rétroactive de la pension alimentaire des enfants.
B. Contexte(i) Les faits
[7] M. et Mme Walsh se marient en mars 1986. Ils adoptent deux enfants. Au moment de l’audience tenue devant la juge des motions, ces enfants sont âgés de dix et de neuf ans. Les parties se séparent en 1995.
[8] Mme Walsh travaille dans le secteur des services financiers, mais elle quitte le marché du travail en 1992 pour se consacrer aux soins des enfants. Au moment du divorce, M. Walsh travaille dans un cabinet de conseil en placement, où il occupe le poste de responsable de l’expansion de l’entreprise.
[9] Le 23 septembre 1997, après un long procès, le juge Clarke accorde la garde partagée aux parties, tout en prévoyant que les enfants vivront principalement avec Mme Walsh. Le juge ordonne à M. Walsh de verser une pension au conjoint de 2 800 $ par mois. Mais le juge tire également une autre conclusion. Selon lui, au cours d’une période de quatre à six mois, Mme Walsh peut trouver un emploi dans son domaine dans la région de Toronto et d’Oakville. Toujours selon le juge, un tel emploi permettra à Mme Walsh de toucher un salaire annuel de 60 000 $ à 100 000 $. Une disposition énoncée par le juge Clarke se révèle particulièrement pertinente au présent appel. Selon cette disposition, M. Walsh doit verser une pension mensuelle de 2 021 $ aux enfants. Il s’agit du montant prévu dans les Lignes directrices pour un salaire annuel de 175 000 $. M. Walsh a respecté les ordonnances alimentaires. Le jugement de divorce n’impose pas à M. Walsh de révéler son revenu annuel à Mme Walsh.
[10] En mars 2002, Mme Walsh demande des copies des déclarations de revenus du M. Walsh pour 1997 et les années suivantes. M. Walsh acquiesce à cette demande. Il est alors vice-président aux placements institutionnels à la Financière Manuvie. Pour chacune des années visées, son salaire a grandement surpassé les 175 000 $. En 2001, l’écart est considérable. Ses déclarations de revenus révèlent les revenus annuels suivants :
1998 – 223 079,12 $;
1999 – 228 940,34 $;
2000 – 214 916,45 $;
2001 – 376 957,74 $.
M. Walsh n’a pas volontairement révélé ces augmentations à son ex-épouse.
(ii) La motion
[11] En avril 2002, Mme Walsh présente une motion en modification de la pension alimentaire de ses enfants. À partir de juillet 2002, M. Walsh consent à plusieurs ordonnances augmentant sa pension alimentaire. Quand arrive février 2003, il verse 3 071 $ par mois pour les deux enfants.
[12] En janvier 2003, cependant, Mme Walsh modifie son avis de motion pour demander que la pension alimentaire pour enfants soit augmentée et que son montant soit fixé conformément aux Lignes directrices. Mme Walsh voudrait que la pension des enfants soit augmentée rétroactivement, à compter de 1998. Elle sollicite aussi l’augmentation de sa pension alimentaire de conjoint. La motion est présentée à la juge Snowie, sur une base provisoire, le 26 février 2003. M. Walsh demande un ajournement pour contre-interroger Mme Walsh sur son affidavit. La juge des motions ajourne la majeure partie de la motion, mais elle refuse d’en ajourner la partie portant sur la demande d’augmentation rétroactive de la pension alimentaire pour enfants. Au lieu de cela, la juge fixe un « nouveau montant » (« recalculate ») en se basant sur les déclarations de revenus et les Lignes directrices des années 1998 à 2001. D’après ses calculs, les [TRADUCTION] « manques à gagner » se présentent comme suit :
1998 – 6 000,24 $;
1999 – 6 731,76 $;
2000 – 4 981,56 $;
2001 – 25 204,32 $.
Au total, le manque à gagner au chapitre de la pension alimentaire des enfants se chiffre à 42 917,88 $.
La juge ordonne à M. Walsh de payer la totalité du montant ci-dessus. Elle lui impose également des dépens au montant de 3000 $. Elle ordonne aussi que la pension alimentaire pour 2002 soit recalculée [TRADUCTION] « quand les documents voulusauront été échangés ».
[13] À ce sujet, la juge des motions souligne qu’il ne lui est pas demandé de rendre une ordonnance modificatrice en raison de changements d’ordre matériel. L’essence de son raisonnement est exprimée au paragraphe 13 de son inscription :
[TRADUCTION]
À mon sens, les Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour les enfants comportent un pouvoir discrétionnaire inhérent. Dans l’exercice de celui-ci, le présent tribunal peut, de temps en temps, sous le régime de l’article 25, fixer, en conformité avec les Lignes directrices, un nouveau montant de pension alimentaire pour les enfants à la lumière des renseignements à jour fournis par le débiteur.
[14] M. Walsh a demandé et a obtenu le droit de faire appel de la décision de la juge des motions devant la Cour divisionnaire. La Cour divisionnaire a toutefois conclu, avec raison, que la décision portée en appel était une ordonnance définitive se rapportant à un montant de plus de 25 000 $, et que l’appel devait être formé devant la présente cour.
C. Analyse
[15] En vertu du paragraphe 17(1) de la Loi sur le divorce, L.R. (1985), ch. 3 (2e suppl.), le tribunal peut modifier une ordonnance alimentaire pour enfants. Avant de le faire, toutefois, il doit constater un « changement de situation » (« change of circumstances ») suivant la définition donnée à ce terme par les Lignes directrices.
[16] Généralement, une augmentation de la pension alimentaire pour enfants prend effet le jour de la requête en modification ou de la demande de modification. Voir par exemple Evans v. Gravely (2000), 14 R.F.L. (5th) 74 (C. S. Ont.), au paragraphe 18. Un tribunal peut rendre une ordonnance rétroactive; mais pour ce faire, selon la jurisprudence de la présente cour, il faut que la preuve des besoins soit établie pour la période concernée. La juge d’appel Gillese énonce ce point au paragraphe 53 du récent arrêt Drygala v. Pauli, 2002 CanLII 41868 (ON C.A.), (2002), 61 O.R. (3d) 711 :
[TRADUCTION]
L’objectif de la pension alimentaire pour enfants est d’aider le parent qui a la garde à couvrir les dépenses quotidiennes relatives aux soins des enfants. La partie qui demande une pension alimentaire rétroactive doit prouver que l’enfant a souffert d’un manque de ressources financières pendant la période concernée. Lorsqu’il exerce son pouvoir discrétionnaire, le juge du procès tient compte aussi bien de la capacité financière que des besoins.
Voir aussi Brett v. Brett (1999), 44 O.R. (3d) 61 (C.A.). Si la pension alimentaire rétroactive est liée aux besoins, c’est notamment pour assurer que le paiement rétroactif n’est pas, en fait, un transfert de fonds à un bénéficiaire sous le couvert d’une pension alimentaire. Le critère des besoins est particulièrement pertinent quand le revenu du débiteur est supérieur à 150 000 $. La raison : en vertu de l’article 4 des Lignes directrices, le tribunal a un pouvoir discrétionnaire lorsqu’il s’agit de fixer le montant d’une ordonnance alimentaire.
[17] En de rares cas, le tribunal peut augmenter une pension alimentaire pour enfants sur une motion provisoire. Pour qu’une telle mesure puisse être prise, il faut que la nécessité d’une augmentation soit urgente et pressante. Voir à ce sujet Vipond v. Vipond (1990), 72 O.R. (2d) 82 (C.S.Ont.)
[18] En l’espèce, la juge des motions n’a pas constaté de « changement de situation » (« change of circumstances »). Elle a même dit qu’il ne lui était pas demandé de le faire. Elle n’a conclu ni que les besoins des enfants justifiaient une augmentation rétroactive ni que ces besoins étaient pressants. La juge des motions a quand même augmenté la pension des enfants rétroactivement, en faisant débuter cette augmentation quatre ans avant l’introduction de la motion en modification de Mme Walsh. Et la juge a prononcé une telle mesure sur une motion provisoire. Pour justifier une telle ordonnance, la juge a énoncé un seul motif : les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants lui conféraient, de façon [TRADUCTION] « inhérente », le « pouvoir discrétionnaire » (« inherent discretion ») de fixer, de temps à autre, un « nouveau montant » (« recalculate »). La juge a exercé ce [TRADUCTION] « pouvoir discrétionnaire inhérent » (« inherent discretion ») en se fondant sur l’augmentation du revenu de M. Walsh et sur l’omission de M. Walsh de révéler cette augmentation.
[19] Par conséquent, dans le présent appel, il s’agit principalement de savoir si le régime des Lignes directrices supplante ou modifie, d’une part, les exigences légales relatives à la modification des pensions alimentaires pour enfants énoncées à l’article 17 de la Loi sur le divorce et, d’autre part, les principes de jurisprudence de notre cour régissant le prononcé d’ordonnances modificatrices rétroactives. À mon sens, il nous faut répondre à cette question par la négative.
[20] La juge des motions pouvait raisonnablement conclure à un « changement de situation » (« change of circumstances »), modifier l’ordonnance alimentaire au profit des enfants et faire prendre effet à cette modification le jour où Mme Walsh avait présenté sa motion. Je n’entretiens aucun doute à ce sujet. Les augmentations très importantes du revenu de M. Walsh constituaient un changement de situation au sens de l’article 14 des Lignes directrices. M. Walsh a effectivement reconnu un tel changement de situation lorsqu’il a accepté d’augmenter le montant de la pension alimentaire aux enfants à la suite de la demande de modification présentée par Mme Walsh.
[21] Cela dit, le juge des motions ne pouvait pas « rajuster » (« adjust ») le montant de la pension alimentaire rétroactivement ni fixer un « nouveau montant » (« recalculate ») rétroactivement pour refléter les revenus accrus du débiteur. Que ce soit dans la Loi sur le divorce, les Lignes directrices ou la jurisprudence de notre cour, aucune disposition n’investit un juge du pouvoir autonome de fixer un nouveau montant de pension alimentaire pour l’enfant pour, ensuite, rajuster cette pension rétroactivement.
[22] Le parlement n’a pas instauré un régime où les pensions alimentaires au profit d’un enfant varient chaque année en fonction des revenus du débiteur. L’article 25.1 de la Loi sur le divorce envisage un tel régime :
25.1 (1) Accords avec les provinces – Le ministre de la Justice peut, avec l’approbation du gouverneur en conseil, conclure au nom du gouvernement fédéral un accord avec une province autorisant le service provincial des aliments pour enfants désigné dans celui-ci :
[…]
b) à fixer, à intervalles réguliers, un nouveau montant pour les ordonnances alimentaires au profit d’un enfant en conformité avec les lignes directrices applicables et à la lumière des renseignements à jour sur le revenu.
Pour que la mise en oeuvre du régime ci-dessus soit possible, il faut que la province conclue un accord avec le ministre de la Justice, ce que l’Ontario n’a pas fait à ce jour.
[23] Nulle part dans la Loi sur le divorce ou les Lignes directrices est-il prévu que le tribunal peut recalculer rétroactivement une pension pour enfants au motif que le revenu du débiteur alimentaire a augmenté ou que le débiteur a omis de révéler son revenu annuel. Par exemple, ni la Loi ni les Lignes directrices n’imposent au débiteur de révéler ses augmentations salariales. Il incombe au parent qui a droit à la pension pour enfants de vérifier si le salaire de son ex-époux a augmenté. Le paragraphe 25(1) des Lignes directrices accorde un moyen d’effectuer cette vérification au parent qui reçoit la pension. Sous son régime, celui-ci peut demander au débiteur une copie de ses déclarations de revenu personnelles et obliger le débiteur à satisfaire à cette demande :
25. (1) Obligation continuelle de fournir des renseignements – Le débiteur alimentaire doit, sur demande écrite de l’autre époux ou du cessionnaire de la créance alimentaire, au plus une fois par année après le prononcé de l’ordonnance et tant que l’enfant est un enfant au sens des présentes lignes directrices, lui fournir :
a) les documents visés au paragraphe 21(1) pour les trois dernières années d’imposition, sauf celles pour lesquelles ils ont déjà été fournis;
b) le cas échéant, par écrit, des renseignements à jour sur l’état des dépenses qui sont prévues dans l’ordonnance en vertu du paragraphe 7(1);
c) le cas échéant, par écrit, des renseignements à jour sur les circonstances sur lesquelles s’est fondé le tribunal pour établir l’existence de difficultés excessives.
Quatre ans et demi après le jugement de divorce, Mme Walsh s’est prévalue de ce droit.
[24] Dans bien des cas, les accords de séparation prévoient que chaque année, les ex-époux échangeront des renseignements sur leurs revenus et les pensions alimentaires seront rajustées conformément aux Lignes directrices. Dans certaines circonstances, bien délimitées, le tribunal peut également inférer l’existence d’une obligation de divulgation. C’est ce que la présente cour a fait récemment dansMarinangeli v. Marinangeli (2003), 38 R.F.L. (5th) 307. Cependant, en l’absence d’une telle obligation contractuelle, l’omission de divulguer une augmentation de revenu n’autorise pas un tribunal à accorder une augmentation rétroactive de la pension pour enfants. Au lieu de cela, la personne à qui est payée la pension doit vérifier si le salaire du payeur a augmenté, présenter une demande de modification, démontrer qu’il y a eu changement de situation et, si elle sollicite une ordonnance rétroactive, prouver la capacité de payer et les besoins pour la période concernée.
[25] Le parlement avait le choix de sa politique. Il aurait pu obliger les parties à échanger des renseignements d’ordre pécuniaire une fois l’an ou à une autre fréquence, puis à modifier le montant de la pension alimentaire pour enfants conformément aux Lignes directrices. En fait, je vois de bonnes justifications à une telle politique. Le droit à la pension pour enfant appartient à l’enfant, non au parent qui en a la garde. Si le débiteur manque de respecter ce droit de plein gré, et que le parent qui a la garde omet de le faire respecter, l’enfant ne doit pas s’en trouver privé des ressources auxquelles il a droit. Si la pension alimentaire pour enfants n’est pas automatiquement modifiée et harmonisée avec les Lignes directrices lorsque le revenu du débiteur augmente, l’enfant se trouve à financer l’amélioration de la qualité de vie du débiteur. Une autre conséquence s’attache au défaut de modifier la pension alimentaire en cas de non-divulgation d’une augmentation du revenu : le renforcement d’un comportement peu compatible avec l’objectif des Lignes directrices. Quoi qu’il en soit, le parlement n’a pas choisi d’instaurer une telle politique.
[26] En l’espèce, le jugement de divorce n’imposait pas expressément à M. Walsh de révéler son revenu annuel à Mme Walsh. Et Mme Walsh n’a pu indiquer aucun élément qui permette d’inférer l’existence d’un tel devoir. Par conséquent, si substantielles qu’elles fussent, les augmentations de revenus non divulguées de M. Walsh ne pouvaient, en elles-mêmes, justifier une augmentation rétroactive de la pension alimentaire des enfants.
[27] Pour justifier une augmentation rétroactive, il fallait que Mme Walsh prouve que les enfants avaient un besoin accru de ressources et que M. Walsh avait la capacité de payer davantage pendant la période concernée, et il fallait que la juge des motions tire des conclusions du même ordre.
[28] Cela dit, les besoins et la capacité financière ne sont pas les seuls facteurs à influer sur la décision d’accorder ou non une pension pour enfants rétroactive. D’autres facteurs entrent également en jeu. Ces facteurs se trouvent analysés par la juge d’appel Rowles dans L.S. v. E.P. (1990), 50 R.F.L. (4th) 302 (C.A.C.-B.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. rejetée [1999] A.C.S.C., nº 444. Aux pages 320 et 321 du recueil, la juge Rowles présente les facteurs suivants comme jouant en faveur d’une ordonnance rétroactive :
[TRADUCTION]
(1) les besoins de l’enfant et, concurremment, la capacité de payer du parent qui n’a pas la garde;
(2) un comportement répréhensible de la part du parent qui n’a pas la garde, comme la communication de renseignements sur le revenu incomplets ou trompeurs au moment de la première ordonnance;
(3) la nécessité, de la part du parent ayant la garde, d’entamer son capital ou de contracter des dettes pour couvrir les dépenses relatives au soin des enfants;
(4) une raison valable expliquant le dépôt tardif de la demande, dans le cas d’un retard important;
(5) un avis, au parent n’ayant pas la garde, signifiant l’intention de l’autre parent de continuer à assumer la garde, et, par la suite, la tenue de négociations à cet effet.
Se penchant aussi sur les considérations qui militent contre les ordonnances rétroactives, la juge Rowles énumère les facteurs suivants :
[TRADUCTION]
(1) l’ordonnance causerait un fardeau financier déraisonnable ou injuste au parent n’ayant pas la garde, particulièrement dans le cas où le fardeau imposé l’empêcherait de s’acquitter des obligations alimentaires en cours;
(2) l’ordonnance aurait pour seul effet de redistribuer du capital ou d’accorder, au conjoint, une pension alimentaire déguisée en pension alimentaire aux enfants;
(3) la demande est présentée tardivement, et le retard accusé est important et inexpliqué.
Les considérations ci-dessus ont été approuvées par la présente cour dansMarinangeli, au paragraphe 72, et dans Contino v. Leonelli-Contino (2003), 42 R.F.L. (5th) 295, à la page 322.
[29] L’affidavit de Mme Walsh pourrait être susceptible de fonder une ordonnance rétroactive. Mais une telle ordonnance doit être justifiée. Or, pour qu’elle le soit, une ou plusieurs des considérations énumérées dans L.S. v. E.P doivent être appliquées à des conclusions sur les faits, conclusions qui, elles-mêmes, doivent être valables.De plus, avant que toute conclusion ne soit tirée au sujet des faits, M. Walsh doit pouvoir contrôler les éléments de preuve fournis par Mme Walsh. À cette fin, M. Walsh a le droit de procéder à un contre-interrogatoire de Mme Walsh. Par conséquent, je suis d’avis que la juge des motions a fait deux erreurs : ordonner une augmentation rétroactive et rendre une telle ordonnance sur une motion provisoire.
D. Dispositif
[30] Je suis d’avis d’accueillir l’appel et d’annuler les paragraphes 2, 4 et 5 de l’ordonnance datée du 26 février 2003 de la juge des motions. Dans les 15 jours suivant la publication des présents motifs, les parties pourront présenter des observations par écrit concernant les dépens de la motion et de l’appel.
Publié le 2 février 2004
« JL »
« John Laskin, juge d’appel »
« Je souscris aux motifs ci-dessus. »
S.T. Goudge, juge d’appel
« Je souscris aux motifs ci-dessus. »
K. Feldman, juge d’appel
1 Il est techniquement inexact d’apposer l’épithète « retroactive » ([TRADUCTION] « rétroactif ») à une ordonnance de pension alimentaire pour enfants. Contrairement à une ordonnance véritablement rétroactive, une telle ordonnance ne crée pas une obligation qui n’existait pas avant son prononcé. L’obligation de payer une pension pour l’enfant naît avec l’enfant et persiste qu’une action soit introduite ou non pour la faire respecter. Voir MacMinn v. MacMinn (1995), 17 R.F.L. (4th) 88, au paragraphe 15 (C.A. Alb.) . Voir aussi Paras v. Paras (1971), 1 O.R. 130 (C.A.). Cela dit, j’emploie tout de même le terme « retroactive » ([TRADUCTION] « rétroactif ») dans les présents motifs. Si je le fais, c’est que ce terme permet de désigner commodément une pension pour enfants qui a préexisté à une demande de modification.