Salvin’s Indenture, Pitt c. Durham County Water Board (1938), 2 All. E.R. 498 (H.C.J (Ch. D.)(R.-U.))

  • Dossier :
  • Date : 2024

RE SALVIN’S INDENTURE, PITT c. DURHAM COUNTY WATER BOARD

[1938] 2 All E.R. 498 (H.C. Angl.)

 

La question qui confronte les parties entre elles est la suivante : la concession faite par les prédécesseurs en titre des demandeurs est-elle opposable aux demandeurs et les lie-t-elle, ou n’a-t-elle plus d’effet, donnant ainsi aux demandeurs, par conséquent, le droit d’utiliser leur terrain comme ils l’entendent, sans tenir compte de tout droit de la compagnie défenderesse à cet égard? (…)

Les demandeurs prétendent que la présente concession ne les lie plus (…), que le seul effet juridique de celle-ci a été de donner une permission à titre personnel, et que, aussitôt que le propriétaire d’alors, soit l’auteur de la concession, a cessé d’être propriétaire du terrain, et que celui-ci a changé de mains, la compagnie a perdu le droit d’opposer la concession et les successeurs du concédant se sont trouvés libérés et quittes de toute concession. Pour leur part, les défendeurs soutiennent que la concession était et est toujours une concession valide (…)

[Compte tenu] des circonstances (…), il a fallu poser des tuyaux sous le terrain de la personne qui en était le propriétaire, soit le prédécesseur des présents demandeurs. (…) Le tracé des tuyaux a été détourné et ceux-ci ont été posés sur la propriété du prédécesseur des demandeurs, aux termes de la concession à laquelle je viens de faire référence. (…)

En examinant dans quelle mesure l’acquisition du droit en l’espèce relevait des pouvoirs de la compagnie, il n’est pas inutile de se rappeler que l’acquisition du droit à une servitude, telle une servitude permettant de poser des drains sous le terrain d’une autre personne, n’est d’aucune façon illégale pour autant qu’il est possible d’obtenir le consentement du propriétaire du terrain. L’acquisition de ces droits n’est pas une question qui, par sa nature, nécessite l’intervention du Parlement.

Ils (les demandeurs) affirment que la présente concession peut n’avoir été, tout au plus, que la concession d’une permission à titre personnel. Il s’agit, selon eux, d’une tentative de créer une servitude indépendante, et – à cet égard il n’y a aucun doute possible – la servitude indépendante est un droit qui n’est pas reconnu par la common law. Cela étant, il s’ensuit peut-être que la permission que le concédant a concédée peut ne pas l’avoir lié, mais que, de toute façon, elle ne pouvait lier aucun de ses successeurs. À mon avis, s’il s’agit en réalité d’une servitude indépendante, elle ne peut lier maintenant les demandeurs. Je dois donc déterminer s’il s’agit ou non d’une servitude indépendante. On prétend qu’il s’agit d’une servitude indépendante, car on dit – et plutôt avec justesse – que pour créer une servitude valide, il doit y avoir un fonds dominant et un fonds servant, alors qu’ici, il n’y a pas de fonds dominant. À mon avis, cet argument ne résiste pas à l’analyse. En effet, l’entreprise en l’espèce, qui est actuellement acquise aux défendeurs, consiste en des héritages corporels et des héritages incorporels, les premiers étant constitués des terrains que la compagnie a acquis pour réaliser ses objets – c’est-à-dire à des fins de construction de réservoirs et à d’autres fins semblables – et les seconds étant constitués des droits, qu’elle a acquis sur le terrain d’autres personnes, aux fins de poser des tuyaux et à d’autres fins. L’entreprise, à mon avis, étant composée d’héritages corporels et incorporels, peut être considérée comme le fonds dominant quant à la présente concession. Il est évident que le fonds dominant ne doit pas nécessairement être contigu au fonds servant. Même dans le cas d’une servitude de passage ou d’un droit de passage, la Cour d’appel estime maintenant que l contiguïté n’est pas nécessaire. Il s’agit de la décision qui a été rendue par la Cour d’appel dans l’affaire Todrick c. Western National Omnibus Co., Ltd. (1), et qui, je dois l’avouer, infirme une de mes décisions dans laquelle je concluais à la nécessité de la contiguïté physique. La lecture de deux lignes du sommaire suffira :

Un droit de passage peut valablement être rendu dépendant d’un terrain avec lequel le passage n’est pourtant pas physiquement contigu, mais il doit s’agir d’un droit bénéficiaire quant à l’occupation du terrain.

La règle est donc la suivante : il doit s’agir d’un droit qui peut être utilisé en fonction du fonds dominant, et qu’on a effectivement l’intention d’utiliser à cette fin.

En l’espèce, il ne fait aucun doute, à mon avis, que la présente servitude a été consentie pour être utilisée et exercée en fonction de l’entreprise de la compagnie Weardale Co. Et qu’elle pouvait effectivement l’être. Si c’est le cas, il s’ensuit nécessairement, à mon avis, qu’il s’agissait d’une servitude qu’il est possible de créer, et non d’une servitude indépendante, et que le propriétaire d’alors pouvait valablement concéder; le propriétaire l’ayant valablement concédée, la concession lie les autres personnes qui acquièrent la propriété du terrain. Cela signifie donc que ces personnes ont acquis la propriété sous réserve de la concession de cette servitude particulière, consentie en 1880, à la compagnie Weardale Co. Étant les personnes qui ont le droit de bénéficier de cette concession, les défendeurs sont maintenant les personnes qui ont le droit de la faire exécuter, notamment en l’opposant aux présents demandeurs, les propriétaires actuels de la propriété.

Pour ces motifs, je conclus que la concession est opposable aux demandeurs.